5 février 2015

Nouveau catalogue des maladies organisationnelles, le Pape François en Dalaï-lama

A l’occasion de la fin d’année, le staff du Vatican, la Curie romaine, a reçu les vœux du pape : à la fois réancrage compassionnel et remontrance sévère. Les maladies qui menacent ou plutôt affectent le corps de l'Église, incarné par la Curie, ont été rappelées d'une manière à la fois traditionnelle, ancrée dans les exhortations des Pères du désert mais également extrêmement moderne, c'est-à-dire d'une portée existentiellement compréhensible, tels les enseignements du Dalaï-Lama pour se réaliser, bouddhiste ou non...

Après la rhétorique très élaborée de ce long discours, le pape salue individuellement tous les cardinaux, dans un expressif protocole d’effusions, salutations et petits échanges où les observateurs avertis décèleront les proximités et distances.
Chacun d'entre nous, humble mécréant, DRH, porteur de projet terrestre, ou docteur de la foi, peut identifier ces "maladies" dans toute réalisation collective. Si l’on met de côté le projet théologique de faire corps avec le Christ, cette exhortation à combattre les dévoiements de l'appareil dresse un catalogue bien averti. Ce jour-là il s’agissait de la Curie, mais on pourrait lui donner bien d'autres noms : mouvements politiques, Crédit Lyonnais, laboratoires Servier, affaire Bygmalion, etc... Sans parler du désormais célèbre et ravageur « Alzheimer spirituel » ou de la « schizophrénie existentielle » bien partagée, sur les 15 maladies énumérées, nous en reprendrons ici 3 qui menacent tout projet ambitieux.

La planification excessive
Un projet vital doit préserver une part d’inédit, de créativité qui sont l’indice réel d’une dimension collaborative. Le collaboratif produit des événements, des ajustements que la planification excessive au contraire éteint. Si vous savez comment va se conclure votre prochaine réunion importante, c’est qu’elle est inutile et non-collaborative. Annulez-là vous gagnerez du temps. Le cadre et la décision c’est vous, le contenu c’est tous les participants. 

Potins et commérages
Cette petite faiblesse humaine est pourtant vilipendée par le Pape. Il la décrit comme un facteur de zizanie, comparable au travail de Satan. A l’heure des réseaux sociaux et des dérives virtuelles, il est patent que la logique de communication restreinte, dans le temps et dans un périmètre, doit accompagner tout projet. Une communication pertinente, c’est à la fois une communication libre et souple, créative mais également canalisée. Ce qui est dit dans le cadre d’une réflexion collective ne doit pas "fuiter", par Twitter ou en se ruant sur les micros. Chacun d’entre nous peut dire des horreurs en conversation privée, qui sont des accélérateurs de débat, mais n’auraient aucune pertinence à être rendues publiques. De potins en buzz, c’est tout le projet qui se dégrade. 

Courtisanerie auprès du chef
Plus on s’approche du pouvoir, plus la complaisance et le mimétisme de langage, de valeurs et d’attitudes se développent. Cela conduit à un découplage de la communauté de projet avec son environnement social réel. Dans les situations de transgression éthique, la courtisanerie entretient et accélère les pactes toxiques. Que le moteur en soit la corruption financière ou l’allégeance au pouvoir, les comportements s’irréalisent hors-sol jusqu’au fracassement final. L’affaire DSK, que ses proches (les conseillers) n’ont su protéger de lui-même, les laboratoires Servier, les manœuvres abusives inflationnistes autour de Liliane Bettencourt, outre l’intérêt direct, tous ces processus ont été alimentés par la courtisanerie. 

Vaste programme de re-fondation : théologique, structurel, organisationnel et politique. Le Dalaï-Lama a pour seul ennemi l’État chinois. Le pape François en a aujourd'hui beaucoup plus. 

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