D'un humaniste russe Christique au Dalaï-lama
Ainsi donc la Russie a donné un saint. Déjà il y avait eu Soljenitsyne, dissident métaphysicien qui avait prédit à son retour d'Amérique ce que deviendrait l’empire soviétique mais qui se présentait plus en ermite bougon qu'en saint martyr. Le corps glorieux est le dernier acte de la dédication.
La sainteté ultime rempart à l'empire
Jusqu'à la fin, le coeur aimant
A présent voici Navalny le saint humaniste. L’Amoureux qui, à peine remis d’un empoisonnement , quitte sa femme adorée en choisissant la droiture morale au confort individualiste.
Mourir tête haute pour plus grand que soi. A l’âge des ambiguïtés , des renoncements, des accommodements c’est une leçon tout droit sortie de Dostoïevski. Une gueule de prince coquin , un entêtement affiché d’idiot auréolé.
C’est magnifique , c’est à pleurer car il n’y a pas eu de miracle , il a été lentement crucifié dans le froid sans penser jamais à se renier.
La vérité est totalement dévalorisée dans l’actuelle Russie. Ça rappelle Virgil Gheorghiu le pope poète prophétique qui énonçait que c’était simple avec le communisme soviéto-roumain car le vrai était tout simplement le contraire exact de la parole officielle.
Un Autre aspect à la fois christique et russe tient dans le rôle joué par la mère de Navalny. On lui dit qu’il est mort, elle part vers le nord.. On lui dit qu'on ne sait pas où est le cadavre, elle attend. On lui dit qu’il sera finalement enterré dans un village de la colonie pénitentiaire kafkaïenne arctique et elle dit non : je veux voir le corps et je veux le ramener près de la maison.
On peut facilement tuer le fils mais en Russie il reste encore difficile de tuer la mère. La babouchka que tout russe garde au cœur.
Et c’est donc la mère qui , par cette contemporaine déposition d’une crucifixion cruelle et démente , génère avec la femme , la veuve , le message d’honneur , de vérité et d’amour de l’homme. Il y aura un jour en Russie des places et des lycées Navalny tandis que les portraits de Poutine disparaîtront dans les caves comme les vieux insignes nazis que toute famille allemande ou autrichienne a abandonné dans l’ordure ou la cave.
Autre
réussite de la puissance mais résilience tibétaine
La Chine est l’autre vraie grande réussite dictatoriale, celle d’un Parti qui a garanti travail, enrichissement et prestige mondial.
Là malédiction inaugurale en a été l’occupation et l’ethnocide du Tibet.
Parfaite réussite avec vol des ressources, destruction des monastères, emprisonnement d'un peuple, plus haut train d’altitude, déferlement Han et presque éradication des hautes spiritualités. Pourtant ça a résisté et le Dalaï-lama, par sa fuite miraculeuse de 1959 et l’établissement d’une diaspora culturelle a maintenu le flambeau, reconnu par son peuple et par le monde , de l’aspiration à la liberté , de la compassion comme voie, d'un spirituel plus radical que le matérialisme corrupteur.
Rire de l'instant
Mourir quelque part
A un certain moment de sa vie on est amené à installer la topologie de son décès : on ne veut pas mourir à Paris mais à Narbonne (mon père), pas à l’île de Ré ou Venise mais a Paris (Sollers) , pas à New-York mais à Moscou (Soljenitsyne) , pas à Paris mais à New-York (Woody Allen ?) , pas à Moscou mais à Châteauroux (Depardieu ?).
Il me semble qu’il est temps que le Dalaï-lama, après s’être heureusement échappé puis avoir diffusé le bouddhisme tibétain a l’échelle du monde, revienne à présent , dépouillé de ses rôles et auréolé de sainteté, au Tibet.
Maintenir la promesse de sa réincarnation puis engager le retour de son corps.
Savoir qu’il sera assigné, résidentialisé, assassiné de hasard, mais que sa flamme compassionnelle et son éveil diffuseront irrémédiablement dans la terre et le cœur tibétain.
Un long voyage retour à pied, avec prosternation des foules (j’y serai) et marche pieds nus des stars (Uma, Richard Gere…).
Passer la haute frontière à pied, marcher vers Lhassa, vers une prison ou un hôtel de luxe mais respirer à l’unisson de son peuple. Navalny l’a fait, en solitude parfaite, le Dalaï-lama sera accompagné et même quelques nationalistes chinois endurcis peuvent en être touchés par la grâce et renoncer à Taïwan comme au Tibet.
Le rêve est la réalité magique du monde.