2 mai 2013

Trois figures masculines du déni de différence


L’une des difficultés de la dynamique de mixité tient à ce qu’elle n’est pas toujours perçue et parfois même déniée, souvent côté hommes. Aujourd’hui, côté hommes, nous rencontrons souvent trois figures typiques du déni de différence en mixité.
Les voici, issues de nos interventions les plus récentes (avril 2013) :

1. Le jeune moderne : « C’est révolu »
Il est jeune, 20-25-30 ans et pense que oui, « avant », pour sa mère sans doute mais que cela ne concerne plus sa génération. A présent, en camaraderie égalitaire, filles et garçons se côtoient, dans le respect et l’indifférence. Pourtant, qu’on lance un débat sur la sécurité au travail, l’impact de l’humour ou la représentation d’un groupe majoritairement masculin par une fille et l’on constate que de la différence en travail se manifeste.

Exemple de débat récent : un vol avec violence de plusieurs milliers d’euros vient de se produire sur un campus universitaire. Aucune communication n’en a été faite et les étudiants, qui l’ont apprise par la rumeur, s’interrogent sur l’intérêt ou pas d’une communication pertinente. Or plusieurs femmes, dans des interventions différentes, mentionnent dans leur réflexion le thème de la « sécurité ». Avant qu’elles ne terminent leur phrase, elles seront systématiquement interrompues par des garçons, qui signalent avec véhémence qu’ils ne veulent pas de vigiles, ou indiquer leur identité pour entrer, ce qu’aucune n’a demandé. En fait, elles réfléchissent à voix haute à partir d’un inconfort qu’elles ressentent et traduisent par problème "de sécurité" et certains hommes y répondent immédiatement par « on n’a pas peur ».

Dès qu’on creuse, qu’on pose des thématiques particulières, chaque génération est tenue de se coltiner, en des termes qui lui appartiennent, le grand partage.

2. Il a environ 60 ans. « C’est personnellement résolu, faites comme moi »
Il a connu ces problèmes mais c’est le passé ; les revendications féministes, la contraception ont apporté des changements nécessaires et il en a tiré les conclusions, il s’est libéré des stéréotypes, et notamment de celui qui dirait qu’il y a de la différence.

Particularité fréquente : il prend à partie toute femme qui douterait d’elle-même, qui chercherait à faire le point sur ses propres attitudes, en l’invitant à « se défaire » de ces œillères : « avec des réflexions comme cela, vous creusez votre propre tombe ». Phrase prononcée par un manager expérimenté à une femme, plus jeune, se demandant, s’il était judicieux de confier à une nouvelle manager un programme de 30 millions d’euros dans le BTP domaine dont on sait qu’il n’est pas encore pleinement mixte.
L’assurance (en public) de ce manager est péremptoire, sa rhétorique agressivement protectrice. On pourrait dire qu’ « il est très mec », ce qui peut être une qualité mais pas dans ce cas d’interaction mixte sur le thème de la mixité. L’intérêt de sa contestation avec autorité : son expérience et sa réactivité sont telles qu’il livre facilement des exemples de différenciation effective (« c’est vrai que dans le domaine de l’exploration, j’ai remarqué que les équipes mixtes de géologues, étaient plus… »).

3. Il a 30-50 ans. « Il n’y aura plus ni hommes, ni femmes »
C’est un intellectuel, consultant, sociologue, philosophe, DRH dans un débat public. Il a du recul, se connaît et aime problématiser les situations. Pour lui, la différence c’est de l’idéologie, du stéréotype ringard et le management éclairé traitera cela à la fois avec condescendance envers les préjugés et rigueur des procédures et des chartes.
C’est Saint Paul DRH : il n’ y aura plus ni romains, ni barbares, ni juifs, ni païens, ni hommes, ni femmes, mais des salariés identiques en ressources.

Notre point de vue : Prudence envers l’universalisme facile, il masque une difficulté à reconnaître les histoires, les trajectoires et les processualités. La mixité en management n’est pas une objurgation éclairée à bien se comporter, c’est d’abord une prise en compte de tout ce qui alimente une culture de genre dans une organisation déterminée : métiers, biographies, profil entreprise, approche clients, etc.. afin de la réorienter vers ses possibles ambitions.