Ce blog est une manière de payer ma dette aux artistes, aux penseurs qui, l’air de rien, préfigurent des compréhensions contemporaines. Jean Giono est l’un des plus manifestes de ces passeurs et les personnages de Panturle ou ceux de Baumugnes constituent dans ma pratique de coaching un repère Palo Giono qui vaut largement son Palo Alto.
Dans les méthodologies d’intervention, qui débutent toujours par un « décrire », Giono donne une autre leçon passionnante dans « Monologue », une nouvelle très peu commentée du recueil Faust au village. Ce texte décrit étape par étape, station par station s’il s’agissait d’un chemin initiatique, comment le territoire joue un rôle dans la vie des humains, en ce sens qu’il est leur cadre métaphysique, mythique, environnemental mais également le lieu de mémoire dans lequel basculent les générations. Le territoire dit la voix des ancêtres, nous éclaire Giono l’abo.
Station 9. Le jeu de la mort
Mais ceux du Pays peuvent mieux faire encore et le processus de contamination métaphorique (par déplacement des affects, par recouvrements des ambiguïtés) qui préside à l’écriture se poursuit.
Perdre le souffle devient bientôt littéral.
" (.) En désespoir de cause, tout remettre en question ?
Le vallon de l’Iverdine passe pour être l’enfer. Alors l’enfer est partout. Dans la montagne, les gens ont un plaisir : se suspendre par leur capuchon. Ce sont des capuchons en peau, fermés au cou par une courroie de cuir. On se met à trois. Deux relèvent le troisième et le pendent à un clou par son capuchon. La courroie se serre, le sang ne circule plus dans la tête : la connaissance se perd. C’est si agréable qu’il faut recommencer constamment. Le pendu agite les jambes trois fois. La première fois il ne faut pas le toucher, c’est paraît-il le meilleur. (..) les très bons partenaires connaissent le moment exact, à une demi-seconde près (..). Ça se fait également en famille. Les mères pendent leurs fils et leurs filles, le mari pend sa femme ; on pend le père, on pend même le grand-père et la grand-mère. [..]
Ça n’est pas une coutume récente. C’est très ancien. On ne sait pas si ça remonte à l’an mille ou avant : ça s’est toujours fait."
En comparaison avec le lyrisme du jeu, cette suspension par le capuchon est inouïe, jamais lue ailleurs chez Giono et dans aucune étude d’ethnographie locale. Ce que nous en savons nous vient plutôt des cours d’école de faits divers où quelque jeu du foulard subsiste à l’âge où mourir paraît impossible.
Dans les méthodologies d’intervention, qui débutent toujours par un « décrire », Giono donne une autre leçon passionnante dans « Monologue », une nouvelle très peu commentée du recueil Faust au village. Ce texte décrit étape par étape, station par station s’il s’agissait d’un chemin initiatique, comment le territoire joue un rôle dans la vie des humains, en ce sens qu’il est leur cadre métaphysique, mythique, environnemental mais également le lieu de mémoire dans lequel basculent les générations. Le territoire dit la voix des ancêtres, nous éclaire Giono l’abo.
Cela vaut pour tout environnement et je propose que ce texte figure dans la formation de tout métier d’intervention (développement, accompagnement, communication, médiation...).
Station 9. Le jeu de la mort
Mais ceux du Pays peuvent mieux faire encore et le processus de contamination métaphorique (par déplacement des affects, par recouvrements des ambiguïtés) qui préside à l’écriture se poursuit.
Perdre le souffle devient bientôt littéral.
" (.) En désespoir de cause, tout remettre en question ?
Le vallon de l’Iverdine passe pour être l’enfer. Alors l’enfer est partout. Dans la montagne, les gens ont un plaisir : se suspendre par leur capuchon. Ce sont des capuchons en peau, fermés au cou par une courroie de cuir. On se met à trois. Deux relèvent le troisième et le pendent à un clou par son capuchon. La courroie se serre, le sang ne circule plus dans la tête : la connaissance se perd. C’est si agréable qu’il faut recommencer constamment. Le pendu agite les jambes trois fois. La première fois il ne faut pas le toucher, c’est paraît-il le meilleur. (..) les très bons partenaires connaissent le moment exact, à une demi-seconde près (..). Ça se fait également en famille. Les mères pendent leurs fils et leurs filles, le mari pend sa femme ; on pend le père, on pend même le grand-père et la grand-mère. [..]
Ça n’est pas une coutume récente. C’est très ancien. On ne sait pas si ça remonte à l’an mille ou avant : ça s’est toujours fait."
En comparaison avec le lyrisme du jeu, cette suspension par le capuchon est inouïe, jamais lue ailleurs chez Giono et dans aucune étude d’ethnographie locale. Ce que nous en savons nous vient plutôt des cours d’école de faits divers où quelque jeu du foulard subsiste à l’âge où mourir paraît impossible.