16 mai 2014

Ségolène, une passion française !

Photo : Le Point
C'est le retour national de Ségolène Royal, qui pose une situation managériale inédite à ce niveau de gouvernance de télescopage de l'intime et du collaboratif. 

L’intrication de l’intime et de la gouvernance 
On ne parle pas à la mère de ses enfants comme à n'importe quel ministre. Il y a des accès directs, des courts circuits et une liberté de ton qui biaisent le protocole. Mais bon, c'est courant dans de très nombreuses entreprises (la liste est longue de cet entrelacement de la carrière et de la famille, Gallimard, Bouygues, L’Oréal, Depardieu...  et j'y ajoute Inipi, sans oublier mes épiciers de village). 
Dès sa prise de fonction ministérielle, des journalistes ont (re)déclenché une veille ironique qui tranche avec la popularité réelle de Ségolène Royal. On (les journaux, le monde politique) attend ses déclarations, ses affirmations, ses intuitions... 
Je rappellerai donc ici un fait aussi méconnu que massif : le succès incontestable de Wikipedia à partir d’une hypothèse très incertaine
Tout le monde connaît la prodigieuse réussite de Wikipedia : en moins de 12 ans, cette encyclopédie collaborative s'est déployée en 232 langues, en restant gratuite, sans publicité et avec des contributeurs anonymes non rémunérés. Sur le papier, c'est un business-plan impossible à vendre à un banquier investisseur et pourtant ça a plus que "marché" : son déploiement (1,5 million d’articles en français, 490 millions de visiteurs en 2014) a fait disparaître des encyclopédies centenaires, révolutionné l'accès au savoir et posé les bases de l'Internet collaboratif, y compris dans sa dimension financière. 
Mais Ségolène ? J'y viens... 
Le contrôle homéostatique de Wikipedia 
L'une des questions récurrentes qui se posent pour gérer une telle usine à gaz (volatil, explosif, hilarant et vital) tient dans son "contrôle". Puisque c'est libre d'accès et de modification comment en garantir la qualité et la non-dérive idéologique. Sur la qualité, et j'y reviendrai promis une autre fois, elle augmente, à la mesure des standards communément admis pour évaluer une publication scientifique et se rapproche des "scores" des meilleures. Pour le dire vite, alors que le contributif de masse, en général, produit un affadissement ( des programmes, des contributions, de la fiabilité, etc. .. ) dans le cas de Wikipédia, son dispositif éditorial émule les contributeurs vers l’amélioration croissante des articles.
La question qui vient souvent est : qui contrôle ? qui édite ? Le secret est là : il n'y a pas de contrôle centralisé mais un dispositif homéostatique d'équilibres et réécritures, ajouts, controverses et arbitrages qui échouent parfois sur des conflits d'édition. 
Mais Ségolène ? Patience... on s'approche…
Les conflits d’édition 
Il y a donc des alertes sur propos douteux ou controversés (« doit-on dire endive ou chicone » est l’un des plus facétieux) mais surtout il y a, parmi les millions de pages, des conflits d'édition, c'est-à-dire des pages qui ne cessent d'être conflictuellement remises en question (annulation de modifications nouvelles). Les robots qui tournent en permanence sont alertés par ces fréquences élevées et c'est ce qui donne lieu à intervention, blocage, arbitrage. 
Et bien vous commencez à vous en douter, dans la short list française des 10 conflits les plus massifs, plus fort que les OVNI, que Jésus, que le "11 septembre" ou le nucléaire, arrivait en tête (oui, numéro 1 !) en 2010 le nom de Ségolène Royal. 
Ce syntagme « prénom singulier-patronyme ambivalent » cristallise, déclenche la foudre du triangle « Féminin / Pouvoir / Parole ». 
Ségolène Royal, une passion française !

12 mai 2014

Danser le tango à Yalta... Qui sommes nous dans quelle époque ?


Missile équipable d'une tête nucléaire

Missile SS18 Satan, équipable
 d’une tête nucléaire de 23 mégatonnes
Photo : musée des missiles balistiques d’Ukraine
Airs de guerre
Les pays de l'Est ont été saisis d'une grande appétence démocratique et consumériste. On s'y élance vers les autos, le crédit , Internet et les fringues du monde tout en restant attaché à des traditions populaires : fêtes , croyances , nourriture. On y éprouve un sentiment d’avenir. Parfois ça se tend : V. Poutine qui a le sentiment de vivre dans le vrai monde, celui de l'humiliation, de la force et de l'autorité a montré au monde moderne pacifié par la communication et l’interdépendance que l'annexion, à l’ancienne, de la Crimée était non seulement faisable mais "naturelle" du point de vue de la géographie (continuité territoriale), historique (berceau russe, et déplacé par Khroutchev au bon vouloir de l'union soviétique) et politique (vous m'avez déstabilisé l'ordre soviétique et pris les pays de l'est, je reprends la Crimée). A présent, il lorgne sur l'Ukraine. Ne franchira probablement pas militairement la frontière car ce serait une guerre économique immédiate à défaut de l'engagement militaire garanti en 1994 par le traité de dénucléarisation (à l’époque 3ème pays au monde en termes d’équipement militaire nucléaire). Mais il fera de l'Ukraine un abcès de fixation, une blessure invalidante activable à chaque menace sur un front ou l'autre (Kazakhstan ou pays baltes). Autant dire que c'est mal barré pour un climat de détente à Odessa, Yalta ou Kiev. Dans le même temps s'y télescopent d'autres invitations.

Airs de danse

Vous savez peut être que ma pratique de coaching et mes passions personnelles se conjuguent dans une pratique futile mais de grande importance : le tango argentin, danse qui enveloppe ses sectateurs dans une gracieuse et funeste addiction. Une particularité du tango est qu’il ne se danse pas à l’occasion d’une soirée en boîte mais suppose un lent et questionnant apprentissage : il s’agit d’une Voie, du même ordre que la Voie des arts martiaux. Cette passion dansée est un indicateur opératoire des attitudes urbaines post-modernes : il s'y noue d'étranges à-propos entre anonymat urbain, légèreté volée, différence marquée des genres, dialectique de la liberté et du respect, suspension de la rationalité, rencontres interclasses, inter-culture, dans la recherche de l'instant juste, de la grâce d'un accord miraculeux. A l’échelle de la planète, le tango se danse partout (dans toutes les urbanités contradictoires et pacifiées), avec ses festivals de Tokyo à Buenos-Aires, en passant par Istanbul, New-York et Tarragonne. Le tango sévit même à Londres, en dépit du conflit (de la guerre !) des Malouines (Malvita). Seules l’Afrique et l’Alaska n’accèdent pas à cette fièvre des âmes. En revanche, les pays de l’Est, dans une exacerbation de sensualité et de droits individuels ont développé enseignements, pratiques et festivals. Danser, vraiment ? Eh bien je vous annonce que n’ont pas été supprimés sur les agendas de la secte tango les festivals de Yalta (considérée naguère sur les invitations comme étant en Ukraine mais indexée depuis peu sous l’onglet-bannière « Russie »), de Kiev et de Suzdal, près de Moscou, avec la crème des maestros argentins et des DJ ukrainiens et russes. Mais je crains bien que ces annonces soient une rémanence de temps optimistes et qu'ils soient bien peu nombreux ceux qui auront le cœur à danser à cette rencontre à Kiev ou Yalta. Ou qui en auront le droit. Du temps de la dictature argentine, le tango avait été interdit, de même que le rebetiko grec sous la dictature des colonels.
Je fais ici l'hypothèse que la cartographie du tango libertaire est un indicateur significatif des cultures et configurations politiques de l’individu post-moderne.