12 novembre 2022

Le théâtre comme question

 

C’est écrit partout dans ce blog : la question contemporaine est celle du « Nous ».

Qui sommes-nous , que voulons-nous et comment le dire ?

Communautés d’espèces (bientôt 8 milliards d’humains ?) , communautés natives, communautés contractuelles (équipes de foot , entreprises et associations,..) , communautés ponctuelles (des barbus), communautés de circonstance (des naufragés), communautés politiques (Brexit ?) la question communautaire se révèle à chaque instant de l’exister politique.

Heureusement l’art y répond et tout particulièrement le théâtre qui est un art de la présence vécue.

Ainsi donc Ivana Muller propose un dispositif scénique qui accueille le spectateur à se mirer dans le groupe de circonstance qu’il constitue avec les autres spectateurs à chaque représentation.


Nous nous faisons face, lecteurs-spectateurs

 

Pour 10 euros, nous nous asseyons sur une chaise numérotée et suivant certaines consignes arbitraires nous sommes assignés à un texte qui explore, propose diverses réactions à ce mode de présence inédit. Nous spectateurs sommes les otages et les interprètes et les passeurs et les exposants d’un texte qui joue de ces ambiguïtés. Qu’est-ce qui nous rassemble ? L’attente d’un acteur ?

L’envie de faire quelque chose de ce hasard ? Quoique ce ne soit pas le hasard d’une déambulation qui nous a assis au bord de ce plateau.

L’envie d’une rencontre ? On s’est rencontré au théâtre il ya 10 ans, j’aimais bien son accent sud-américain..

La possibilité d’un geste gratuit et libre ? On se met tout nu ? Euh, pas trop, ici c’est une église..

Une heure de jeu et surprise d’entendre dialoguer, lire à voix haute des non-acteurs ? En tout cas non rémunérés ici..

Quelle colère nous rassemble ? Quel ennui de nous-même ? Quel rêve d’ailleurs ? Quel ici partagé ?

En tout cas ce petit rituel qui garde ses protagonistes dans le fil de la conversation. Qu’avons-nous vécu ici ? D’où cela vient-il ?

Kundera et Godard en figures tutélaires délicieusement ironiques plutôt que Artaud ou Eschyle..

Nous aurons la peau des oiseaux

 




 

Une fois par semaine le dimanche sur l’île de la Cité à Paris des fleurs, des pépiements, nous signalaient le marché aux oiseaux.

Occupation vaguement désuète entre philatélie et circuits de trains électriques mais une présence explicitement vivante dans leurs cages : des oiseaux par dizaines, voletant et sifflant.

La fragilité, la délicatesse et la beauté à portée de porte monnaie.

Un modeste contrat relationnel avec la beauté de la création. De petits êtres sur qui veiller.

Mais au nom d’un essentialisme de la protection et de la souffrance animale, quelques législateurs et militants ont décidé de mettre fin à ce commerce à ciel ouvert qui permettait pourtant traçabilité et contrôle afin de purifier la ville de toute souffrance animale. Cette purification est en fait mortifère : elle gentrifie, aseptise et isole le monde urbain.

Prochaine cible, à laquelle souscrivent évidemment tous les promoteurs avides d’espace : les zoos où « souffrent » quelques tigres, éléphants et alligators.

Avec leurs apparentés oiseaux, ces ambassadeurs du vivant sont pourtant,  avant tout les témoins d’un autre monde avec lequel nous coexistons. Leur regard et leur ramage nous rappellent certes la douleur de l’enfermement mais aussi l’existence, réelle ou rêvée, d’un autre monde.

Croiser le regard de Nénesse au Jardin des Plantes ou contempler deux  inséparables dans leur volière, c’est constater l’ensemencement possible encore du monde par le vivant des espèces, même au prix d’une souffrance individuelle.

Je propose de porter au débat participatif parisien la fermeture de ce marché.