Il est aujourd'hui « donné » à l’humain de vivre des expériences qui jusque-là étaient réservées aux dieux, et pour lesquelles il n’était pas « équipé », spirituellement ou identitairement. Il n’y est pas préparé mais jeté par la conjonction de la techno-science et de la tentation démiurgique. L’humain 2.0 est cet horizon, qui opère une rupture anthropologique majeure.
A l’occasion jeudi dernier du réseau de coachs Agophore généreusement animé par Sylvie de Frémicourt - je donnais quelques éléments de cette continuité anthropologique qui persiste à éprouver de la différence entre les Femmes et les Hommes jusque dans l’entreprise et comment l’ambition de mixité ne dissipe pas cette polarité des genres - un autre intervenant se trouvait là et partagea avec nous sa propre réflexion sur l’avancée irrésistible du nouvel humain, sous les auspices de la science, de la puissance (militaire, mercatique) et de la technique. Il s'agit de Michel Brack, médecin spécialiste du stress oxydatif des cellules et donc des techniques de rajeunissement qui nous présenta son livre à venir : «Supra-longévité, quand les scientifiques nous promettent l’immortalité….» à paraître chez Frison-Roche. Cette avancée qu'il signale ainsi et dont le rythme est sans précédent repose sur la convergence exponentielle de 4 registres, formant ce qui s'appelle d'ores et déjà les NBIC.
La convergence NBIC
Les bio-technologies : manipulation du génome et médecine régénérative (création de muscles, développement de neurones, de cellules cardiaques, osseuses, tendineuses, à partir de cellules-souches, etc…)
Ensuite, le traitement de l’information. La puissance de traitement a permis de rendre massivement accessible les cartes de génomes, les analyses génétiques individuelles.
Et pour finir (!), la connexion cerveau-machine. L’activité du cortex est identifiée, numérisée et rendue transférable à d’autres machines. La mobilisation d’actions mécaniques par la pensée est devenue possible. Le coup d’envoi de la dernière Coupe du monde du Brésil a été donné par un individu à l’aide de son exo-squelette commandé par la pensée.
Toutes ces avancées s’entretiennent mutuellement et permettent de repousser la durée de vie d’organes, de fonctions et à terme d’individus (issus évidemment d’une « classe » supra-économique, pas celle du « vulgum pecus » avec ses 42 ans et plus de cotisations de retraite..).
Vers un nouveau territoire du corps et de l’identité
On sait que l’humain est d’ores et déjà enrichi : exo-squelette des militaires ou des manutentionnaires,
sélection des mutations génétiques positives,
sélection des mutations génétiques positives,
Et, cette convergence technique se réalise aussi au niveau de la mise au monde ("normalisation" de la césarienne industrielle - dont j'ai parlé dans ce blog) et prouesses médicales ; certains chirurgiens se sont vantés récemment de pouvoir greffer un corps sur une tête (il semble que juste le petit problème de la moelle épinière ne soit pas totalement réglé).
L’équivalent des bidouillages informatiques qui donnèrent naissance à Internet, à Apple... s'opère donc aujourd'hui dans le champ du vivant. Au-delà des scientifiques et des labos plus ou moins officiels, plus ou moins militaires, des étudiants, des chercheurs free-lance expérimentent sur eux-mêmes des enrichissements physiques (vue, toucher, ouïe, mouvement) ou des manipulations du vivant, croisements entre espèces, entre règnes animal et végétal.
Ces possibilités ne viennent-elles pas d’ailleurs de trouver leur traduction managériale dans la proposition de Google et Facebook à leurs employées féminines de prendre en charge la conservation de leurs ovocytes dans la perspective d’une grossesse différée à la ménopause ?
A nouvelle physique du corps, nouvelle métaphysique
Ces expériences démiurgiques ont des conséquences psychiques mais également métaphysiques.
La métaphysique s’est toujours élaborée au regard des sociétés qui en attendaient justification et légende des origines. Dans le paganisme antique, la continuité humain-non humain justifiait l’existence de chimères, de Minotaures, de métamorphoses et de manifestation des dieux dans des formes humaines ou animales.
Avec les monothéismes, l’homme a été créé à l’image de Dieu, sur un mode électif, dans une séparation radicale d’avec le monde non-humain. Le corps humain est celui de la Création et il ne doit donc être ni tatoué ni modifié. Tous les rites traditionnels d’inscription corporelle ont été interdits par les mouvements d’évangélisation car ils subvertissaient cette conception du corps tel qu’en sa Création. C’est à ce titre, qu’en ce XXIe siècle pleinement constitué, un prêtre qui se trouverait amputé d’un bras ou d’une jambe ne peut célébrer la messe.
Il est probable qu’en retour de ces nouvelles "sexions" du corps humain, (ses découpes, ses retouches, ses sexes,..) les re-configurations identitaires qui en découlent appelleront d’autres conceptions de la transcendance et de la métaphysique. Nouvelles continuités humain-non humain (machines, trans-espèces...), partage des patrimoines, intervention sur l’intime du codage, maîtrise de la procréation, l’humain devient démiurge et l’au-delà de l’humain un univers-système qui s’offre en présent de tous les possibles. C'est en tous cas la promesse...
Mais aussi s'y pressent un retour des chamanismes de circulation des formes et des mythologies hiérarchisantes, en leur cortège de demi-dieux, héros thaumaturges, pharaons aux rites réservés. Ésotérismes, vitalismes et grandes "conjurations", on n’a pas fini de rire.
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