19 juillet 2024

IA, nous y sommes, la fabrique du monde (2)


  IA, Nous y sommes   : l’avenir s’invite dans l’aujourd’hui. (suite 2)

La fabrique du monde, le risque de devenir des usagers provincialisés



 

Certains tergiversent sur l'éthique ou sur les risques de l'IA sans se rendre compte que d'ores et déjà, le monde connu  est littéralement balayé par cette nouvelle intelligence autonome.
La médecine, l'enseignement, les mobilités , le marketing, la gestion urbaine ou la gestion des masses, la créativité intellectuelle et esthétique, la guerre, etc.. figurent  déjà parmi les domaines  travaillés, labourés par l'IA.

Bella IA découvre Lisbonne (Pauvres créatures de Yorgos Lanthimos)

 

 

 


Toujours ce train de retard des professionnels de la profession

Nous avons connu l'arrivée d'Internet avec des techniciens savants nous disant qu'on avait déjà le Minitel.

Dans les années 2010 lorsque le BIM ("Building Information Modelisation", ou plutôt "Management") est arrivé, j'avais échangé avec mes collègues géomètres de l'ESTP où j'enseignais la communication manageriale. La Fondation Louis Vuitton était alors  le premier chantier sur lequel Vinci essayait la technologie BIM. 

Lorsque j'annonçai à mes collègues que le monde du BTP allait en être révolutionné ils me répondirent avec l'assurance de spécialistes reconnus du métier que cela avait toujours existé et que ça s"appelait "l'armoire des plans" sur le chantier ou dans l'agence. Ce jour-là je pris le pari avec eux qu'avant la fin de l'année c'est dans leur agence-même ou cabinet que la pratique serait affectée par ces innovations.

La convergence de toutes les expertises du chantier, la prise en compte de la dimension "temps" et de la dimension "argent" (la cinquième dimension) dans le même espace de jumeau numérique leur échappait complètement. La mutualisation des données n'était pourtant pas simple et c'est pour cela que j'aime à traduire le M de BIM par Management plutôt que Modélisation. Céder ses expertises, ses savoir-faire ou la transparence des budgets ne va pas de soi dans un chantier aux multiples intervenants soucieux de s'arracher la valeur ajoutée en conservant leur expertise singulière.

Aujourd'hui L'IA

Qui décide du final cut ?

Le stade supérieur IA du BIM c'est que le système peut vous annoncer qu'il préconise la commande du béton aujourd'hui en fonction du cours des matières premières, de la disponibilité des camions-toupie et de la météo. L'optimalisation en termes de gestion est décisive et l'ingénieur doit être ici compatible avec la logique IA.

Nous en sommes loin car la réflexion porte surtout sur les risques, sur les pertes d'emploi ou les reconfigurations du marché générées. 

Ce qui était jusque la cantonné à des jeux de philosophie morale : 

"- Votre camion est lancé dans une pente, peut-il écraser un gros diabétique plutôt que trois enfants prometteurs ? "

"- La chaloupe de votre bateau naufragé est pleine de rescapés, doit-on jeter à l'eau un chien pour qu'ils survivent ? Oui vous rejetez le chien à l'eau  , mais ce chien a sauvé des dizaines de personnes dans des avalanches tandis que le rescapé numéro 10 est un tortionnaire sadique réputé criminel de dizaines de victimes ?"

est devenu une réalité courante pour le pilotage de véhicules autonomes : un piéton surgit sur la voie, doit-on l'éviter au risque d'un accident alors qu'il est en faute ou doit-on privilégier nos passagers ou même le conducteur propriétaire du véhicule ?  

Même actualité avec les robots tueurs autonomes : avec quel coefficient de dommage collatéral (victimes innocentes) peuvent-ils intervenir en temps réel (avec ou sans validation humaine) sur un ennemi qui apparait dans leur champ d'intervention ? 

L'intérêt du monde contemporain est que ces questions virtuelles, fantasmatiques, sont devenues tangibles, à notre main, d'un clic de souris ou d'un investissement industriel ou financier.

Une performance proliférante

L'IA générative bat n'importe quel champion de l'intellect (échecs, go, poker, etc) et on se réjouit encore que ChatGPT ait été battu par un humain (Jean-Paul Enthoven) lors du dernier bac de philo mais dès l'an prochain elle l'emportera probablement sur n'importe quel candidat.

Nous nous interrogeons sur son usage ou non mais les programmes d'IA sont déjà à la tache dans les administrations pour identifier les fraudeurs du fisc, les fraudes aux allocations familiales et dans les demandes kafkaiennes qu'elles préconisent dans les dossiers de contestation. 

Sans parler des images qui déferlent à bas bruit dans la pub et surtout celles qui se préparent pour les prochaines élections françaises et américaines.  

Sauf dans nos université d'aujourd'hui

Certaines universités du Texas (UTA d'Arlington) ou de Suisse se dotent de ressources IA alors qu'une école telle que Architecture Val de Seine Paris continue à s'en méfier (pas d'enseignement dédié en 2024).
Lors de ma récente participation à un jury de fin d'études à l'instigation de ma talentueuse collègue Sylvia Lacaisse, une étudiante (Elisabeth Coppens)  a ainsi fait part de son expérience texane.

Images produites chez ZHA (agence Zaha Hadid), Londres- une part croissante des propositions y est issue du dialogue IA - Midjourney

 

L'IA a aujourd'hui trois fonctions-ressources dans certaines agences d'archi américaines :

  • dans la phase de conception, elle défriche et propose des vues précises à partir de concepts dialogués avec l'architecte. Dans ces esquisses, il y a un retour de formes ornementales que l'architecture française notamment avait peu à peu négligé jusqu'à  aboutir à  des parallépipèdes avec n'importe quel matériau, béton, bois ou pise.

  • Dans la phase de présentation client l'IA offre des vues en situation d'implantation, en mouvement chronologique, à 360.

  • En phase construction, notamment combiné avec l'impression 3D, on dispose de capacités de process très opératoires (matériaux locaux, sourcés, modularisation, etc) ou innovantes tels que le tissage de cables aériens de soutien  par des drones.

    Nous voici donc dans un monde qui agence ces Intelligences Artificielles au service d'une domination par quelques castes humaines. Il serait temps d'intégrer ouvertement (en transparence publique et avec sanction très forte en cas de dissimulation ou manipulation) ces nouvelles présences.

 


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