Que faire de ces photos ?
Très récemment j'ai subrepticement pris de très laides photos . Il s'agissait de reproduire d’ignobles photos, celles d’un album qui documentait l’entreprise d’extermination des juifs hongrois et qui a été retrouvé par une survivante à la libération du camp en 45 avant d'être confié dans les années 80 à des institutions de sauvegarde..
A lors qu’en 1944, la guerre s’annonce perdue, les nazis envahissent la Hongrie et se pressent de faire disparaître l’une des plus grandes communautés juives d’Europe.
Le paradoxe est que c’est à la fois une entreprise secrète, dissimulée dans le mensonge total et en même temps une œuvre "historique" dont il faut documenter la perfection. Donc les visites de dignitaires y sont fréquentes, régulières, pas du tout excentrées et laissées à l’administration de quelques lointains commandants. Himmler visite Auschwitz en 43 et Adolf Eichman, entouré de ses plus zélés officiers s’attelle au printemps 44 à l’amélioration décisive du processus. Travaux de voirie, de rampe ferroviaire, de chambres à gaz. Sélection arbitraire rationnelle entre ceux dédiés à l’esclavage et ceux dédiés à l'immédiate géhenne du four. Au dessus de la porte d'entrée est rappelé le mensonge "Arbeit mit frei". En fait de "liberté par le travail", il s'agit de l’anéantissement par le travail forcé. Celui qui alimente les entreprises contractuelles du Reich , celles retenues par appel d’offre.
Cette perfection est cachée aux opinions publiques chez qui un reste d’humanisme pourrait palpiter à ces cruautés incontestables. Mais elle doit être conservée, documentée pour ceux qui savent et pour l’histoire.
Des photographes documenteront donc l’arrivée des trains, l’exotisme des types non-aryens, l’épouillage hygiénique, la nudité avilissante, le pyjama rayé pour tous les tondus et le jugement dernier entre ceux qui partent dans les flammes et ceux qui alimentent l’effort de guerre.
A la descente du convoi , photos mises en scène
Après la prise de vue, ceux-là, très typés sont immédiatement envoyés vers la chambre à gaz. Photos de documentation d'organisation efficiente. Secret et propagande |
Ces photographes sont aimables , bons collègues, pourvoyeurs de cigares et portraitisent la famille du commandant en son jardin charmant avec vue de famille au soleil.
Également y passe en civil Hoffman le patron d’Eva Braun, le photographe qui n’était proche qu’en tant qu’ami d’Hitler et prétendra après guerre tout ignorer des réalités abjectes du Reich. Subtil distinguo de ces nazis des débuts, premiers inscrits,derniers avertis.
Auschwitz en 43. En civil sur les marches, le photographe d'Hitler : Hofmann - Photo de complaisance
L’excellente exposition du Mémorial de la Shoah présente très précisément le dispositif de mise en scène , le choix des perspectives , les demandes de pose et de regards demandés à ces gens qui dès leur descente du train sont pris dans un dispositif d'anéantissement inimaginable dans sa parfaite logique.
Les neuf dixièmes de cette population disparaîtra en quelques mois.
Restent ces photos, retrouvées par quelques survivants et parvenues jusqu’à nous qui n’en étions pas les destinataires. Encore une fois, c’est le destin des secrets que d’apparaître.
Du coup, un vrai trouble à photographier ces saloperies d’images , je ne les restitue que pour les commenter ici et je ferai disparaître ces photos de mon téléphone
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