12 mai 2023

À qui appartient le temps ?

Il y a 14 mille ans que les hommes marchent en Argentine , traversant les déserts, la Cordillère, s’établissant sur les plateaux, traçant des voies.

Ce que nous en savions historiquement tenait aux conquistadors et aux Incas..

Mais avant les Incas et après la Conquista se tiennent ceux de la terre, les aborigènes disent encore les notices muséales, mais plus simplement les Quechuas, les Guarani, les Wichis, les Calchaquis, entre autres..

Deux traversées du temps - 1. L'odyssée des enfants incas


Le petit prince, dormeur du val du volcan Llullaillaco
 
Depuis Cuzco par le Qhuapaq Ñan , chemin des Incas, une caravane a parcouru les kilomètres et les dénivelés jusqu’à progresser au plus haut du plus haut :  le volcan Llullaillaco.

À la fois demeure des divinités telluriques, de l’air le plus pur le plus rare et des neiges, source de l’eau.

Pas de meilleur endroit, 6385 m pour y déposer, sacrifier trois petits "princes", de grande beauté, parés de leurs plus beaux bijoux. Un voyage cultuel de milliers de kilomètres dont le sens était présent à chaque pas, à chaque cérémonie. Parvenu tout là-haut au dernier jour ils sont alors déposés vivants , chantants, dans des fosses, imbibés de chicha, peut-être d’autres poudres hallucinogènes, destinés à rejoindre et intercéder auprès de quelques puissance créatrice.

Passent les Incas, passent les conquistadors , passe le temps. Éruptions, tempêtes, éclairs (l’une des filles est touchée par la foudre) et soleil de feu.

Au XXe siècle, John Reinhard, un archéologue insistant ( comme Schliemann pour Troie , comme Manólis Andrónikos près de Thessalonique qui passe trente ans à creuser pour mettre à jour en 1977, quatre tombes des rois macédoniens à Vergidia) , se persuada que les ruines que des alpinistes avaient signalé là-haut étaient de grand intérêt.

20 ans passent et cet archéologue entêté, avec Constanza Ceruti, poursuit les fouilles jusqu’à ce que en 1999 soient mises à jour les sépultures avec amulettes , bijoux et poupées cultuelles. 


 

Les trois émissaires, un petit garçon et deux filles sont momifiés par la congélation, le soleil ardent et c’est avec grande précaution qu’on les redescend. Au musée de Salta, ils sont conservés , par des moyens modernes, dans des conditions de froid et d’hygrométrie proches, croit-on du tout là-haut, et présentés par rotations de 6 mois aux visiteurs. j'y ai rencontré ce jour-là le petit garçon. Etait-ce, du point de vue humaniste, une vie volée ? Plutôt, du point de vue mythique une vie offerte.Il semble dormir,très paisible, un dormeur du volcan dont on aimerait effleurer la petite main sans le réveiller. 

Ainsi la croyance était fondée. Les trois ambassadeurs ont traversé le temps et l’espace. Ces trois là, plus beaux enfants du peuple inca nous sont parvenus. Sommes-nous leurs dieux ou voyagent-ils plus loin encore ? J’imagine que nous ne sommes qu’une étape et que quelques anciens rituels les attendent encore un peu plus loin.

Le temps d’un billet d’entrée ils se laissent méditer. Peau olive, membres fins, belles tresses, et poupées sacrées . Silencieux, yeux clos sur leur dernier souffle terrestre car leur apparition est une parole suffisante. Ils sont le message.

 

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