8 février 2023

Du risque de perdre son âme dans un CV - photos et videos

 De plus en plus souvent, à l'occasion d'une pandémie, d'un éloignement ou d'une pré-rencontre, il est demandé aux postulants à un emploi, à une formation, à une intégration, de se présenter par video.

C'est effectivement facile, sur le mode d'un selfie et on accède ainsi au plein être du candidat, bien au-delà de la dimension déclarative. Mais c'est un document à forte charge, qui suppose un traitement attentif.

 

La photo de CV 

 A l'université, en école d'ingénieur ou en coaching je mets en oeuvre cette construction de l'image, notamment pour la photographie du CV. Certains étudiants hésitent à insérer leur photo, par réserve, par timidité ou par crainte d'assignation à des stéréotypes. "Noir Congo", acnée sévère, voile islamique, strabisme, leur paraissent des risques dans la première appréciation du coup d'oeil sur le CV.  Alors que parallèlement à ces CV sans photo (qui dans notre monde saturé d'images amènent immédiatement l'interrogation : que cache cette absence d'image ?), une rapide recherche sur internet nous procure immédiatement les images souhaitées (et les autres, moins souhaitées..)  La plupart de ces photos sont donc plates et peu expressives en raison de l'assimilation de ces images à nos tristes et aberrantes photos d'identité sans sourire. Mon intervention par le travail d'atelier vise à réaliser des photos, des images qui installent une véritable "mise en scène de l'authenticité" du postulant. Puis ces CV partent faire le tour du monde virtuel. 

 

A la plupart de ces envois il est fait retour par les départements RH les plus attentifs, par proposition d'entretien ou courrier d'encouragement. Mais pour beaucoup, ils disparaissent dans l'anonymat des demandes sans issue et c'est comme ça : "un entretien, une rencontre pour 10 envois" indique la statistique au jeune diplômé.

  La video

  


 
Charlot se présente au monde (Les temps modernes)

Transmettre une video engage une autre intensité : on y entend la voix et on y voit du temps. La présence à soi-même, l'effet de vérité (ou non) de ce qu'on y déclare, l'état émotionnel du moment, l'intentionnalité vers le destinataire s'y expriment nettement. La charge de présence, l'investissement est patent. Après "Ca tourne !", le dispositif annonce "action !"

Pour le dire différemment, une part d'âme, au sens d'une intimité qui échappe même à son porteur, est transmise dans la video.  C'est dire l'exposition de l'exercice. Une part de soi part à la cantonade, dans le vide des évaluations communicationnelles. Envoyer 10 videos personnelles sans qu'il n'y soit fait retour est donc appauvrissant. L'investissement s'échappe en pure perte. Elles sont utiles au destinataire mais fabriquent de la perte et font retour négativement sur l'estime de soi. 

On ne mesure pas assez la dégradation que ces répétitions de présence réelle sans retour d'appréciation peuvent engager. Il ne s'agit pas de la video d'une "star" dont l'aura diffuse vers le public mais de l'apparition d'un "anonyme" sur la scène de la reconnaissance sociale.  

Les services RH devraient se soucier de l'impact de leur silence sur ces relations qu'ils ont parfois suscité, comme n'importe quel éditeur sérieux qui fera retour à l'envoi d'un manuscrit par une phrase qui la plupart du temps  signifie un refus mais ne dissuade pas l'auteur de continuer à écrire.

 



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