La question « hommes-femmes » est bien sûr un thème essentiel, au cinéma comme
au quotidien … A voir ainsi, le film Potiche...
Potiche, l’incassable classe
Voici donc une comédie, presque musicale en son climax, qui nous dit le jeu des genres, en toutes générations.
Scènes d’exposition immobile : D’abord, chaque chose en sa place, l’homme en conquérant (con errant ?) et la femme en trophée (trop fée ?). « En somme, je suis une potiche ? » calcule, conclue et identifie Deneuve en éternelle centralité du blond, contemporaine du Franz Fanon de la décolonisation. Prise, place centrale, représentation et monstration de la femme-signe mais certainement pas jeu politique du rapport, qu’il soit de forces ou sexuel. Luchini exprime parfaitement sa maîtrise du politique : cabotinage de l’homme, surdité, arrogance De Funès (écraser le petit, obséquiosité envers les puissants). Quant aux femmes, droit de cuissage et distraction. A ce stade d’exposition, si Deneuve a eu des enfants, c’est dans l’inadvertance du devoir.
L’élégance du langage
Le film développe une esthétique de l’élégance intéressante dans son rapport au langage : les actes n’emportent jamais aussi loin que le langage. Tout dire est bien plus vulgaire que tout faire et la réserve une véritable noblesse que partagent les anciens amants tandis que le mari « parvenu » parle d’autant plus qu’il ment. Deneuve n’exhibe aucune affirmation ou aveu : questions, conventions du lien, courtoisie envers chacun. C’est le paradoxe du désuet : cette forme raffinée d’élégance envers autrui dérive aussi de l’indifférence absolue. Cette dissuasion de l’explicitation se manifeste en temps réel à l’échelle du film dans l’histoire du fils qui ne ressemble pas au père. Peu à peu, le spectateur comprend vers quelle inclination le portent ses sentiments mais ce n’est ni vu, ni dit, à l’opposé de tout le paradigme télé-réalistique-hollywoodien de l’aveu, qu’il soit extorqué, démonté ou exhibé.
D’un Luchini l’autre, de Potiche aux « femmes du 6ème ».
Au final, Potiche est très troublant. En couleurs acidulées, ce conte social dissimule quelques vérités anthropologiques et sociales plutôt radicales sur les rapports de genre, en famille, au travail, en politique et sur le jeu entre destin singulier et destin de classe. On peut l’opposer terme à terme avec le beaucoup plus léger Les femmes du 6ème étage qui, même souvent drôle (avec encore Luchini, dont on se plait chaque fois à attendre le fracassement de la raideur), développe justement le contraire : la reconstitution des années 60 permet aux « femmes du 6ème » de ne pas aborder réellement la politique du sexe tandis que Potiche prétexte au contraire le détour des années 60 pour interroger la politique des genres dans ce qu’elle a d’indépassablement actuel.
Quatre moments de l’aujourd’hui :
1. Elle court, fée Adidas « à dix balles » des bois. Des écureuils, des lapins sexués, des roucoulades. Tout est cul mais tellement fleuri en 1977 héritage 50 que c’est juste pomponné comme on aurait dit Pompadour. Vu d’aujourd’hui 40 ans plus tard, pas une joggeuse dans les bois ne trotte sans grande frousse archaïque. Le film se tient encore dans le temps post-68 de l’innocence. La révolution des mœurs n’a pas encore atteint la bourgeoisie établie en ses demeures héritées. Madame poétise comme d’autres font aujourd’hui du rap plouc ailleurs. Mais quelque chose dans le haiku façon Mimi Pinson nous retient d’en rire trop. N’est pas tout à fait perdu celui qui suspend son agir pour chercher le mot juste de l’instant. Dans les prisons, dans les grandes peines, dans le désastre, la poésie reste un recours indépassable. Qui parle juste travaille à sa liberté..
2. Tout se passe et tous passent au « Badaboum », la discothèque du film. On signe, on se fait signe, tout fait signe au Badaboum. De toute éternité, épatant, épastrouflant, branché sexe pour toujours, sous ses avatars de Baron, de Rex, Castel ou Ibiza. La vie c’est « Badaboum », sauf le jeudi. Ce soir-là, le baiseur se reposa et regarda sa femme.
Hommes, femmes, danseurs, mateurs, bourgeois et cocos, putes et patrons, allemands et français, on se retrouve tous au « Badaboum », tout à la fois trêve et poursuite confuse de la guerre du genre. Rien de réaliste : c’est un décor de cinéma, le décor du cinéma, du paradis, du fantasme, toc inaltérable pour toujours.
3. Bien sûr, la femme, lorsqu’elle peut vraiment manager a le sens de la famille, donc de la durée et Deneuve, revenue aux affaires, les redresse promptement, dans l’établissement visionnaire d’une communauté de projet. Cette ressource est le cœur battant de tout empire dynastique : les Bettencourt, les reines-mères d’Angleterre, les femmes Clinton, Ségolène dernièrement (inspiratrice probablement du dernier épisode, assez faible partie du film dans laquelle Deneuve, écartée par trahison féminine, familiale et générationnelle de l’entreprise, s’offre à la politique) . La famille, c’est (le grand) Capital, de Depardieu à Stern. De cela, le sexe nucléaire, un interdit de jugement récent enjoint le romancier de ne pas parler (l’affaire Stern relue par l’écrivain Jauffret) mais cette réalité on ne peut l’empêcher (quoiqu’il paraisse qu’on puisse - par jugement encore - l’occulter dans la triste histoire des enfants De Villiers)
4. Tout cela nous mène à la vérité ultime et ultra-violente de Potiche où le pot de terre brise menu le pot de fer russe. Si le sexe est une grande affaire du sentiment, il n’en est pas le verrou. Au cœur nucléaire du « tout sexe », le sentiment est momentané, éventuellement nostalgique mais il n’est jamais absolument constitutif. On peut coucher sans tromper sa classe. La différence de classe est sans appel. Catherine Deneuve, au plus fort de l’étreinte, le sait : Depardieu peut être à la fois riche, communiste et amoureux, il est d’un autre bord. On peut baiser mais pas signer pour la vie alors que la morale des humbles voudrait accorder les deux..
Le film développe une esthétique de l’élégance intéressante dans son rapport au langage : les actes n’emportent jamais aussi loin que le langage. Tout dire est bien plus vulgaire que tout faire et la réserve une véritable noblesse que partagent les anciens amants tandis que le mari « parvenu » parle d’autant plus qu’il ment. Deneuve n’exhibe aucune affirmation ou aveu : questions, conventions du lien, courtoisie envers chacun. C’est le paradoxe du désuet : cette forme raffinée d’élégance envers autrui dérive aussi de l’indifférence absolue. Cette dissuasion de l’explicitation se manifeste en temps réel à l’échelle du film dans l’histoire du fils qui ne ressemble pas au père. Peu à peu, le spectateur comprend vers quelle inclination le portent ses sentiments mais ce n’est ni vu, ni dit, à l’opposé de tout le paradigme télé-réalistique-hollywoodien de l’aveu, qu’il soit extorqué, démonté ou exhibé.
D’un Luchini l’autre, de Potiche aux « femmes du 6ème ».
Au final, Potiche est très troublant. En couleurs acidulées, ce conte social dissimule quelques vérités anthropologiques et sociales plutôt radicales sur les rapports de genre, en famille, au travail, en politique et sur le jeu entre destin singulier et destin de classe. On peut l’opposer terme à terme avec le beaucoup plus léger Les femmes du 6ème étage qui, même souvent drôle (avec encore Luchini, dont on se plait chaque fois à attendre le fracassement de la raideur), développe justement le contraire : la reconstitution des années 60 permet aux « femmes du 6ème » de ne pas aborder réellement la politique du sexe tandis que Potiche prétexte au contraire le détour des années 60 pour interroger la politique des genres dans ce qu’elle a d’indépassablement actuel.
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