29 septembre 2024

City of Darkness, une humble baston

 

Evidemment il s’agit de corrida, de combats contre la force brute, chorégraphiés et musicalisés. Pas de danseuses mais des malfrats parfois savoureusement efféminés.Il vaut mieux aimer la corrida pour entrer dans cette architecture fantasmée.

Toi qui entre ici, apprête toi à travailler

 

Au milieu du Hong Kong des années 80 déjà prodigieux de postmodernité : rues sur 3 niveaux, atterrissages en coeur de ville, activités grouillantes night and day.
Un réfugié boat-people, combattant honnête se fait arnaquer par un gang et se réfugie dans la citadelle de Kowloon , excroissance anarcho - favelesque, grosse verrue dans la modernité galopante.
La meilleure réplique postmoderne du film : le mafieux tend un papier photocopié à l’honnête travailleur en prétendant que ce sont les papiers pour lesquels il a payé d'avance :
« Tu voulais des faux papiers , eh bien tu en as »
Commencement de la corrida qui mène le pauvre taureau jusque dans la citadelle.
 Arrivé là, nouvelles bastons acrobatiques mais avec 3 thématiques passionnantes. Ce qu’il faut de combat et d’adrénaline pour nous faire passer trois leçons :
  1. Les anciens tiennent. Patrons respectés des jeunes modernes , dope et karaoke à tous les étages. Mais leur temps passe et la passation de pouvoir se pose managérialement : savoir éviter la guerre inutile, dominer ses émotions, s’en tenir à des principes éthiques. « C’est toi le patron , tu dois être indifférent aux émotions ». Aussi la question de la vengeance : la mémoire que conditionne la vengeance est vitale mais destructrice de futur. À quel moment le Passé doit-il rester passé ? Il faut un certain âge pour cette méditation et c’est le débat entre les trois vieux bandits.
  2. Le capitalisme (chinois ?) comme néant. Ce qui menace le plus fondamentalement cet ordre ancien est le capitalisme, le profit insensé au service de l’ego le plus enfantin. Le méchant aux super pouvoirs a le rire idiot et les fringues pseudo Versace d’un bandit de Brian de Palma. Ivre de sa puissance, piétinant les faibles, ne connaissant que le darwinisme le plus bestial. Il est le vulgaire moderne tandis que les vieux boss persistent dans la tradition.
  3. Tout travail est respectable et fonde la ruche de la communauté. Cette tradition ne leur est pas personnelle, ils la partagent avec une communauté, arbitrent les différents, écoutent les humbles et négocient avec les puissants. Le film consacre de nombreux moments incompréhensibles pour un non chinois à la culture la plus populaire, faite de recettes de street food, de bonbons pliés par des enfants. Chacun exerce un métier ou une activité dans cette ruche anarcho-solidaire. Toute activité y est digne , de la prostituée (positive tuée) au vendeur ambulant ou au barbier, jusqu’au mah-jong métaphysique des destins incertains. Chacun travaille et c’est la digne morale de la communauté. Aucune honte à être pauvre ou marginal ou bandit mais opprobre muette vers le prédateur glouton. 

    City of darkness, 2024, un film de Soi Cheang

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci pour votre commentaire !