21 octobre 2013

Au théâtre le temps ne se mesure plus

Chacun des spectacles du Théâtre de la démesure accomplit et participe d’un irremplaçable moment du théâtre.
Temps de pose est le dernier, par nous vu en sa dernière représentation de Montreuil (93).

Voyage du Grand Médiateur Culturel dans l'univers des formes
Il s’agit de déployer, d’interroger et de savourer ce que produit chez nous, spectateurs, le voyage d’une forme, saisie, arrêtée, élaborée une fois par un artiste. Les mots qui commentent ce propos sont multiples car la Démesure du projet est de nous en faire partager l’inépuisable et inassignable ressource. Dans le flux du réel, un artiste prétend faire arrêt, à partir d’une pose qu’il suppose pouvoir adresser à un spectateur, destinataire, commanditaire à venir. Le théâtre, par son commerce de signes et sa question d’un sens partagé, est le lieu privilégié de cet examen.
Évidemment c’est désopilant car cette saisie est à chaque fois une caricature d’elle-même. L’artiste comme imposteur qui n’atteindra jamais le Graal qu’il vise. La pose est une prédation, un sacrifice, un arrachement, un don et les traditions « sauvages-naïves » étaient bien averties de s’interroger sur le risque du portrait photographique ou religieux, tant pour le « saisi » que pour le « regardeur »...
photo Nadar - ©RMN
Chacun de ces moments : l’autoportrait de Gustave Courbet en désespéré, Sarah Bernhardt par Nadar, Le Caravage en sa commande christique, Yves Klein dans le vide ou encore la performance comme action interrogative sont jubilatoirement dépecés, raboutés, mais très respectueusement soutenus. On y entend les heures d’improvisation, l’appropriation des œuvres, le scalpel de la mise en scène finale et toujours cette signature de l’incontournable prise en compte de la tradition du théâtre et du sens de l’instant théâtral. Chaque acteur, chaque spectacle est un héritier et cette compagnie le garde en scène à tout instant. S’y conjuguent donc de manière très rare une absolue légèreté, générationnelle, et une interrogation démesurée, sans âge et donc d’avenir.
Je n’oublierai pas de revenir vers eux et il est sûr que nous y serons de plus en plus nombreux. Temps de pose – par le Théâtre de la Démesure
Théâtre Berthelot – Montreuil-sous-Bois – du 16 au 19 octobre 2013