22 décembre 2014

Management Hommes - Femmes « ce qui se vit » épisode 2

Les réponses au sondage d'ETP au Féminin (voir mon post précédent) ayant été accompagnées de nombreux commentaires, nous avions proposé, lors de cette rencontre, d’ouvrir une séquence « atelier » d’échanges d’expériences.

Ce soir-là, me fondant sur mon expérience des études et interventions en entreprise,  j'ai proposé trois registres dans lesquels il arrive que surgissent des comportements différents :
1. thématiques : ex. le risque, la sécurité, le rapport à l’argent, le rapport au temps
2. relationnels : la prise de décision, la prise de parole (ouvrir, interrompre, l'ironie, etc.)
3. organisationnels : recrutement, définition des postes, temps privé/temps professionnel, représentation institutionnelle, etc.

Toutes mes interventions en entreprise débutent en effet par un repérage de l’éco-système de l’organisation qui met en évidence sa signature culturelle en termes de mixité. En fonction des domaines d’activité (ex.: finance, industries de pointe, hôpital, soins à la personne, BTP, universités et grandes écoles, agences de communication, etc) des moments se manifestent spécifiquement, dont il nous faut tirer quelques éléments, pas du tout exhaustifs, car chaque entreprise produit sa mise en scène de la différence.

Un atelier exploratoire
Ce soir-là, trois groupes ont été constitués, chacun explorant un registre, à partir de témoignages directement vécus par les participants.
En vingt minutes, de nombreuses situations ont été précisément identifiées puis restituées à l’ensemble de l’assistance, avec des "retombées" immédiates pour la facilitation de ces évolutions.

En synthèse
Les trois registres ont été développés avec passion : l'interaction relationnelle, d’autant plus en public, les situations critiques comme le rapport à l’implication minutieuse et l'organisationel notamment dans un réglage européen des curseurs de cadrage (sanction, recadrage, chartes, formations, etc.).

Un levier qui intéressera nos lecteurs est celui du rapport à la rémunération qui reste difficile et différenciant. Ce thème de la « valeur » est travaillé souterrainement par le genre. « Qu’est-ce que je vaux ? » est une question très différenciante en entreprise, qu’hommes et femmes abordent souvent spécifiquement. Sans prise en compte par les managers et les RH de cette différence d’attitude, on entretient frustrations, déceptions et baisse de la performance...

Prospective et éclairages
A le constater ce soir-là, cette question de la différenciation managériale est non seulement ancienne mais tout à fait contemporaine et prospective. Les organisations qui constituent cette mixité en culture managériale ne génèrent pas seulement du développement personnel mais un avantage concurrentiel décisif.
3 ancrages méthodologiques pour un enracinement durable :  étude, conseil, action.

2 décembre 2014

En revenant de la conférence « Management Hommes-Femmes, les moments héroïques »

Chacun d’entre nous, dans la grande sollicitation de l’époque, vit en entreprise des moments d’affirmation. Se pourrait-il que dans ces relations managériales on puisse parfois entendre quelque chose de la différence Hommes/Femmes ?

Ce 18 septembre au soir, il se trouve que j'ai développé cette réflexion en quatre  temps :

  • quelques résultats d'un sondage en ligne, 
  • un exposé sur les hypothèses différenciantes,  
  • puis un atelier d’exploration de ces hypothèses 
  • et enfin un bien sympathique cocktail organisé par nos amies de « ETP au féminin » qui organisait cette rencontre.
C’était la première fois qu’une telle conférence y était assurée par un homme, heureusement je ne l’ai appris qu’en ouverture de soirée.

Un sujet exposé ?

D’abord se souvenir que l’exercice est exposé pour le « conférencier » : à la différence du béton ou des dinosaures, prétendre penser cette différence « hommes-femmes », c’est toujours parler à travers soi et donc faire entendre dans le propos  ce qui prétendrait être objectif mais que la subjectivité du « théoricien » colore. Raison pour laquelle, en intervention (infléchissement de culture managériale), nous préférons souvent  intervenir en duo mixte.
  
Nos hypothèses :
L’anthropologie est attentive à la manière dont une « société » (entendons cette dénomination, au sens des Papous et au sens de Bouygues ou de Vinci) traverse le temps. Toute société pose pour ce faire

22 octobre 2014

L’humain 2.0, vers une nouvelle métaphysique

Il est aujourd'hui « donné » à l’humain de vivre des expériences qui jusque-là étaient réservées aux dieux, et pour lesquelles il n’était pas « équipé », spirituellement ou identitairement. Il n’y est pas préparé mais jeté par la conjonction de la techno-science et de la tentation démiurgique. L’humain 2.0 est cet horizon, qui opère une rupture anthropologique majeure.

A l’occasion jeudi dernier du réseau de coachs Agophore généreusement animé  par Sylvie de Frémicourt - je donnais quelques éléments de cette continuité anthropologique qui persiste à éprouver de la différence entre les Femmes et les Hommes jusque dans l’entreprise et comment l’ambition de mixité ne dissipe pas cette polarité des genres - un autre intervenant se trouvait là et partagea avec nous sa propre réflexion sur l’avancée irrésistible du nouvel humain, sous les auspices de la science, de la puissance (militaire, mercatique) et de la technique. Il s'agit de Michel Brack, médecin spécialiste du stress oxydatif des cellules et donc des techniques de rajeunissement qui nous présenta son livre à venir : «Supra-longévité, quand les scientifiques nous promettent l’immortalité….» à paraître chez Frison-Roche. Cette avancée qu'il signale ainsi et dont le rythme est sans précédent repose sur la convergence exponentielle de 4 registres,  formant ce qui s'appelle d'ores et déjà les NBIC.

La convergence NBIC

Les nano-technologies interviennent à l’échelle du 3 ou 4 nano-mètres, infinitésimale dimension lorsqu’on sait qu’un cheveu c’est 400 nano-mètres. Ces nano-technologies réduisent caméras, systèmes de ciblage, robots perceurs ou découpeurs ou porteurs de virus ou médicaments à l’échelle du capillaire.   
Les bio-technologies : manipulation du génome et médecine régénérative (création de muscles, développement de neurones, de cellules cardiaques, osseuses, tendineuses, à partir de cellules-souches, etc…)
Ensuite, le traitement de l’information. La puissance de traitement a permis de rendre massivement accessible les cartes de génomes, les analyses génétiques individuelles.
Et pour finir (!), la connexion cerveau-machine. L’activité du cortex est identifiée, numérisée et rendue transférable à d’autres machines. La mobilisation d’actions mécaniques par la pensée est devenue possible. Le coup d’envoi de la dernière Coupe du monde du Brésil a été donné par un individu à l’aide de son exo-squelette commandé par la pensée.

Toutes ces avancées s’entretiennent mutuellement et permettent de repousser la durée de vie d’organes, de fonctions et à terme d’individus (issus évidemment d’une « classe » supra-économique, pas celle du « vulgum pecus » avec ses 42 ans et plus de cotisations de retraite..).

Vers un nouveau territoire du corps et de l’identité

On sait que l’humain est d’ores et déjà enrichi : exo-squelette des militaires ou des manutentionnaires,

8 septembre 2014

Manager, diriger, c’est d’abord une science humaine

Dans un article récent du Financial Times, Monique Valcour, professeur à l'EDHEC, pointe l’insuffisance des grandes écoles françaises en termes d’attitudes managériales eu égard aux enseignements logico-scientifiques.
Ce n’est pas faux, notamment au moment du processus de sélection  qui met grandement l’accent sur les matières scientifiques, (jusque même, honteusement, en médecine) par exemple, alors qu’une carrière d’ingénieur se distingue de celle d’un technicien en ce qu’il organise, pilote, dessine et fait réaliser. Toute science est d’abord humaine.
Ainsi la dimension communicationnelle, qu’il s’agisse d’arbitrer, de faire débat, de réguler, de persuader, de collaborer, de promouvoir est essentielle. 
D’un autre côté, l’importance prise par les stages rééquilibre cette dimension professionnelle de la communication managériale par rapport à l’expertise même si leur exploitation (inter-échanges, audit des entreprises accueillantes par les stagiaires, valorisation et mise à distance de l’expérience du stage, etc) est la plupart du temps sous-utilisée.

Quand l’élève-ingénieur se presse le citron… il aime ça
A notre expérience, les élèves-ingénieurs (ESTP), les étudiants de masters, sont effectivement a contrario très impliqués dans nos cycles de communication managériale car, souvent pour la première fois de leur formation, ils ont le sentiment de constituer l’objet et le sujet des séances. A partir de leur expérience relationnelle réelle ici et maintenant,  nous élaborons avec eux une théorie qui leur soit personnelle, c’est-à-dire s’appuie sur leurs propres compétences, leurs comportements biographiques et la lucidité quant à leur écosystème relationnel.

 12 équipes présentent leur réalisation et s’évaluent entre elles. Connaissance de soi, méthodologie de projet, débat, argumentation, rhétorique, impact d’équipe, sont le carburant de l’exercice

4 septembre 2014

Valérie est sortie du Loft...

et refuse de signer le certificat de bonnes dispositions.

Toute poubellication ne mérite pas lecture
Donc Valérie est sortie du Loft et pas contente de la production, nous déballe ses états d’âme. Dans une sorte de livre puisqu’il se dit qu’elle "est" journaliste. Ici, nous ne le lirons pas, nous ne l’achèterons pas mais l’actualité de cette publication est instructive.
A titre documentaire, en ethnologue, nous pourrions le lire, bien plus tard, comme nous lirions un journal intime exhumé d’anciens documents familiaux mais nous nous contenterons des extraits et commentaires. De même que le petit ouvrage de circonstance de Marcela Iacub pouvait se lire en 10 minutes debout dans un rayon de librairie, avant d’acheter Saint-Simon ou un recueil de nouvelles d’Alice Munro, ouvrages autrement plus précieux sur la construction d’une vie ou la tension entre vie publique et vie intime.

L’outrage et la faiblesse


Du point de vue des affects, tout est compréhensible et femme outragée (se sentant outragée) a tous les droits (donner des coups de sac, pleurer dans un micro, prononcer des phrases définitives, hors protocole, refuser de répondre à certains sur certains sujets, aller où on ne l’attend pas, etc.) mais ce ressentiment durable, exprimé à froid (un livre ça se décide, ça s’écrit, ça se relit) pendant le temps de la présidence ne la rend pas plus sympathique du tout et sape sciemment ce qui reste du corps symbolique de la représentation nationale. Que son compagnon se soit montré "faible", lui ait manqué d’égards, lui ait menti et soit englouti par sa fonction (sa charge, symbolique et protocolaire) peut être indéniable mais, la pauvre ingénue ne s’en doutait-elle pas ? Elle s’était pourtant elle-même présentée comme mieux préparée que Carla Bruni la chanteuse par son métier de journaliste, plus fringante que Ségolène et durablement verrouillée sur le président normal. Eh bien au final, il restera que Carla a fait l’opération inverse (elle est rentrée dans le Loft et continue à chanter un peu) et Ségolène reste aux manettes de la production centrale iconique.

Être Certifié par ses proches ? (une pensée pour Hegel disant qu’ « il n'y a pas de héros pour son valet de chambre »)

Puisque nous élisons à présent des personnalités et non pas des programmes, je propose que les compagnes, compagnons, référents d’un(e) candidat(e) répondent dorénavant (comme ils le veulent mais nous lirons tout, dénégations, fausses admirations,  innocences touchantes, novlangue des rewriters) à un questionnaire sur les qualités du candidat. 

Je propose de même que tout aspirant coach doive produire pour sa certification un document, non pas de moralité, mais de bonnes dispositions à l’écoute, à la conciliation et au déploiement de talents dans sa vie personnelle. Et peut-être ces certifications-là seraient-elles bien ardues à obtenir... Que ne faudrait-il pas de preuves, d’attentions, de circonvenues pour obtenir le précieux document ?

Dans le même esprit,  je pense que la mince défaite de la candidate Ségolène Royal peut aussi en partie s'expliquer par un simple mot que son (prétendu) compagnon d’alors n’a pas pu prononcer : « Je connais bien cette femme. Votez pour elle ! »

2 septembre 2014

Entre gestion des personnalités difficiles et clarification managériale : le cas Montebourg, Hamon

Alors voilà. On est un dimanche. On tombe la cravate, on se met à 2, plutôt poids lourds du gouvernement et bonne cote de popularité et on exprime sa liberté de parole à propos de l’orientation économique du gouvernement. Est-ce possible ? La réponse managériale est « non ». 
Benoît Hamon le paye cher, il ne pensait certainement pas engager son poste dans la balance à une semaine de sa première rentrée scolaire mais au contraire, M. Valls en virant les 2, montre que ce n’est pas un problème de personne (l’ombrageux incontrôlable Montebourg) : mais bien un réglage de communication (on peut tolérer l’impertinence managériale en interne, à condition qu’elle ne se manifeste pas publiquement). C. Taubira, qui un peu plus tard, se montre (comme toujours en vélo, comme le signalent les journalistes, en train de lui préparer un futur storytelling ) présente auprès de députés frondeurs, se garde bien de faire des commentaires au-delà de ses prérogatives. Intelligence de la situation : elle ose se montrer, en femme politique indépendante et courageuse, mais pas stupide, elle maintient sa solidarité gouvernementale.

A. Montebourg, sympathique trublion, a pensé que sa force le protégeait, ainsi que son otage Hamon. Erreur d’appréciation ou fatigue des grands écarts, en tout cas trop tôt pour peser dans les recompositions électorales...  Pour B. Hamon, erreur d’agrégé mal-communiquant. 
S’ils avaient été maintenus, que n’aurait-on pas daubé la faiblesse de l’exécutif  et les couacs dans la lisibilité des orientations politiques ? 

Moralité managériale de la semaine : mieux vaut être craint que plaint.

31 août 2014

Quand les taureaux ouvrent sur la rhétorique et la démocratie

De la tertulia taurine, conversation tauromachique comme art rhétorique et politique 

Au-delà de ses passes et scénographies dans l’arène, la corrida se prolonge parfois en rencontres passionnantes du point de vue rhétorique. La première tertulia à laquelle j’ai assisté se déroulait à Valencia et c’est la plus belle langue espagnole (précision lexicale, tournures des phrases) qu’il m’ait été donné d’entendre. Devant une audience ouverte, une conversation s’engage entre aficionados à propos de la corrida qui vient d’avoir lieu. A une table légèrement surélevée se tiennent quelques « autorités » : responsables de club taurin, journalistes, photographes, écrivains, qui débutent l’échange par leurs ressentis de la course qui vient d’avoir lieu. L’exercice est délicat car chaque participant a vu la course et dispose donc de ses propres impressions. 
D’un point de vue rhétorique, il ne s’agit pas de se convaincre mais seulement de se faire comprendre : traduire une impression, une émotion, argumenter une appréciation. Après ces tours de parole, l’assistance est invitée à commenter, se prononcer également, ce qui rapproche la rencontre d’un moment de démocratie directe : une voix en vaut une autre et il s’agit de se donner à comprendre : pas de vote, pas de pouvoir, juste l’élaboration collective d’un point de vue circonstancié sur l’événement. 
Il arrive cependant que ces tertulias institutionnalisées, comme à Valence, décernent des titres honorifiques tels le Trophée Distinctif à José Padilla en 2014, ce vaillant torero qui ayant perdu son œil dans une cornada terrible qui lui avait traversé la tempe avait prononcé lors de sa courte convalescence cette sentence d’implacable rhétorique : « ce n’est pas le toro qui décidera quand j’arrête la corrida, c’est moi ». 

Faiblesse des pattes postérieures, cornes non relevées, 
torero peu engagé
A Béziers, lors de la dernière feria, ces bien-nommées « controverses et tertulias » ont été pour la première fois depuis longtemps réintroduites dans l’espace même de la feria et comme à Valence, on a pu retrouver cette dimension rhétorique, sans commune mesure avec un commentaire de bar sur le match de foot de la veille. D’abord l’appréciation générale, puis les taureaux de l’élevage. Ce jour-là, la réputation négative de Daniel Ruiz s’est faite en 10 minutes : taureaux non combatifs, faibles, aux cornes mal orientées. L’évaluation des taureaux est du même ordre que lors d’une foire au bétail telle celle de Saint Jean d’Aulp : une multitude de critères objectifs permettent de qualifier la beauté, la race d’un animal. A Béziers, ces bêtes-là étaient indignes de concourir et du coup se posait la difficulté à toréer mais aussi la possibilité de pactes de connivence entre certains toreros et cet éleveur. 
Les participants ne jugent pas, n’attribuent rien ni ne décident mais ils mettent en commun leurs connaissances, leurs points de vue, leurs subjectivités pour élaborer une image juste et mémorable de l’événement. 
Dans nos espaces de management, ce serait un bon protocole de debriefing. 
Du point de vue politique, il est de curieuse occurrence que ce soit dans une ville passée au Front National que se tienne nouvellement un exercice où l’autorité se conquiert par la parole respectueuse, argumentée, ouverte à hypothèse et non par un rapport de force fondé sur de supposées certitudes. 
Nous verrons comment s’y prolongent l'une et l'autre.

16 mai 2014

Ségolène, une passion française !

Photo : Le Point
C'est le retour national de Ségolène Royal, qui pose une situation managériale inédite à ce niveau de gouvernance de télescopage de l'intime et du collaboratif. 

L’intrication de l’intime et de la gouvernance 
On ne parle pas à la mère de ses enfants comme à n'importe quel ministre. Il y a des accès directs, des courts circuits et une liberté de ton qui biaisent le protocole. Mais bon, c'est courant dans de très nombreuses entreprises (la liste est longue de cet entrelacement de la carrière et de la famille, Gallimard, Bouygues, L’Oréal, Depardieu...  et j'y ajoute Inipi, sans oublier mes épiciers de village). 
Dès sa prise de fonction ministérielle, des journalistes ont (re)déclenché une veille ironique qui tranche avec la popularité réelle de Ségolène Royal. On (les journaux, le monde politique) attend ses déclarations, ses affirmations, ses intuitions... 
Je rappellerai donc ici un fait aussi méconnu que massif : le succès incontestable de Wikipedia à partir d’une hypothèse très incertaine
Tout le monde connaît la prodigieuse réussite de Wikipedia : en moins de 12 ans, cette encyclopédie collaborative s'est déployée en 232 langues, en restant gratuite, sans publicité et avec des contributeurs anonymes non rémunérés. Sur le papier, c'est un business-plan impossible à vendre à un banquier investisseur et pourtant ça a plus que "marché" : son déploiement (1,5 million d’articles en français, 490 millions de visiteurs en 2014) a fait disparaître des encyclopédies centenaires, révolutionné l'accès au savoir et posé les bases de l'Internet collaboratif, y compris dans sa dimension financière. 
Mais Ségolène ? J'y viens... 
Le contrôle homéostatique de Wikipedia 
L'une des questions récurrentes qui se posent pour gérer une telle usine à gaz (volatil, explosif, hilarant et vital) tient dans son "contrôle". Puisque c'est libre d'accès et de modification comment en garantir la qualité et la non-dérive idéologique. Sur la qualité, et j'y reviendrai promis une autre fois, elle augmente, à la mesure des standards communément admis pour évaluer une publication scientifique et se rapproche des "scores" des meilleures. Pour le dire vite, alors que le contributif de masse, en général, produit un affadissement ( des programmes, des contributions, de la fiabilité, etc. .. ) dans le cas de Wikipédia, son dispositif éditorial émule les contributeurs vers l’amélioration croissante des articles.
La question qui vient souvent est : qui contrôle ? qui édite ? Le secret est là : il n'y a pas de contrôle centralisé mais un dispositif homéostatique d'équilibres et réécritures, ajouts, controverses et arbitrages qui échouent parfois sur des conflits d'édition. 
Mais Ségolène ? Patience... on s'approche…
Les conflits d’édition 
Il y a donc des alertes sur propos douteux ou controversés (« doit-on dire endive ou chicone » est l’un des plus facétieux) mais surtout il y a, parmi les millions de pages, des conflits d'édition, c'est-à-dire des pages qui ne cessent d'être conflictuellement remises en question (annulation de modifications nouvelles). Les robots qui tournent en permanence sont alertés par ces fréquences élevées et c'est ce qui donne lieu à intervention, blocage, arbitrage. 
Et bien vous commencez à vous en douter, dans la short list française des 10 conflits les plus massifs, plus fort que les OVNI, que Jésus, que le "11 septembre" ou le nucléaire, arrivait en tête (oui, numéro 1 !) en 2010 le nom de Ségolène Royal. 
Ce syntagme « prénom singulier-patronyme ambivalent » cristallise, déclenche la foudre du triangle « Féminin / Pouvoir / Parole ». 
Ségolène Royal, une passion française !

12 mai 2014

Danser le tango à Yalta... Qui sommes nous dans quelle époque ?


Missile équipable d'une tête nucléaire

Missile SS18 Satan, équipable
 d’une tête nucléaire de 23 mégatonnes
Photo : musée des missiles balistiques d’Ukraine
Airs de guerre
Les pays de l'Est ont été saisis d'une grande appétence démocratique et consumériste. On s'y élance vers les autos, le crédit , Internet et les fringues du monde tout en restant attaché à des traditions populaires : fêtes , croyances , nourriture. On y éprouve un sentiment d’avenir. Parfois ça se tend : V. Poutine qui a le sentiment de vivre dans le vrai monde, celui de l'humiliation, de la force et de l'autorité a montré au monde moderne pacifié par la communication et l’interdépendance que l'annexion, à l’ancienne, de la Crimée était non seulement faisable mais "naturelle" du point de vue de la géographie (continuité territoriale), historique (berceau russe, et déplacé par Khroutchev au bon vouloir de l'union soviétique) et politique (vous m'avez déstabilisé l'ordre soviétique et pris les pays de l'est, je reprends la Crimée). A présent, il lorgne sur l'Ukraine. Ne franchira probablement pas militairement la frontière car ce serait une guerre économique immédiate à défaut de l'engagement militaire garanti en 1994 par le traité de dénucléarisation (à l’époque 3ème pays au monde en termes d’équipement militaire nucléaire). Mais il fera de l'Ukraine un abcès de fixation, une blessure invalidante activable à chaque menace sur un front ou l'autre (Kazakhstan ou pays baltes). Autant dire que c'est mal barré pour un climat de détente à Odessa, Yalta ou Kiev. Dans le même temps s'y télescopent d'autres invitations.

Airs de danse

Vous savez peut être que ma pratique de coaching et mes passions personnelles se conjuguent dans une pratique futile mais de grande importance : le tango argentin, danse qui enveloppe ses sectateurs dans une gracieuse et funeste addiction. Une particularité du tango est qu’il ne se danse pas à l’occasion d’une soirée en boîte mais suppose un lent et questionnant apprentissage : il s’agit d’une Voie, du même ordre que la Voie des arts martiaux. Cette passion dansée est un indicateur opératoire des attitudes urbaines post-modernes : il s'y noue d'étranges à-propos entre anonymat urbain, légèreté volée, différence marquée des genres, dialectique de la liberté et du respect, suspension de la rationalité, rencontres interclasses, inter-culture, dans la recherche de l'instant juste, de la grâce d'un accord miraculeux. A l’échelle de la planète, le tango se danse partout (dans toutes les urbanités contradictoires et pacifiées), avec ses festivals de Tokyo à Buenos-Aires, en passant par Istanbul, New-York et Tarragonne. Le tango sévit même à Londres, en dépit du conflit (de la guerre !) des Malouines (Malvita). Seules l’Afrique et l’Alaska n’accèdent pas à cette fièvre des âmes. En revanche, les pays de l’Est, dans une exacerbation de sensualité et de droits individuels ont développé enseignements, pratiques et festivals. Danser, vraiment ? Eh bien je vous annonce que n’ont pas été supprimés sur les agendas de la secte tango les festivals de Yalta (considérée naguère sur les invitations comme étant en Ukraine mais indexée depuis peu sous l’onglet-bannière « Russie »), de Kiev et de Suzdal, près de Moscou, avec la crème des maestros argentins et des DJ ukrainiens et russes. Mais je crains bien que ces annonces soient une rémanence de temps optimistes et qu'ils soient bien peu nombreux ceux qui auront le cœur à danser à cette rencontre à Kiev ou Yalta. Ou qui en auront le droit. Du temps de la dictature argentine, le tango avait été interdit, de même que le rebetiko grec sous la dictature des colonels.
Je fais ici l'hypothèse que la cartographie du tango libertaire est un indicateur significatif des cultures et configurations politiques de l’individu post-moderne.

17 mars 2014

Libération se libère

Ce week-end, le journal Libération retrouvait son accessibilité historique : un journal ouvert à ses lecteurs, en porosité nourricière. Comme une réminiscence du temps d’avant les sas, les accueils, quand le journal s’inventait chaque jour, dans une nécessité de parole juste et en proximité avec le lecteur. En province, le lecteur hébergeait le journaliste, pas content le lecteur entrait au journal, et velléitaire écrivant il proposait ses articles. Temps épiques maoïstes, bien plus libertaires qu’en Chine réelle. 
Et puis le journal s’est développé, constitué, devenu une entreprise, avec actionnaires, élus, organigramme, disparités salariales jusqu’à ce que écartelé par des tensions grandissantes entre rentabilité, performance, projet éditorial, crise de la presse écrite, il redécouvre l’authenticité de son exigence sur le mode d’un cri de rage, mêlant humilité et orgueil : « nous sommes un journal ». Car c’est bien parce que « ils sont un journal », comme communauté de projet, comme production quotidienne, comme écriture du monde qu’ils apparaissent comme marque et entreprise et non pas le contraire. La marque a une valeur considérable mais tant qu’elle est revivifiée, ensemencée (histoires de désir) par des journalistes et des lecteurs. 

Nous sommes des lecteurs 

Samedi 15 mars 2014 - Libération et la culture, salle du hublot
Donc retour aux fondamentaux : Libération s’ouvrait samedi, « corps et âme », à ses lecteurs : déambulations en grappes familiales, beaucoup de tout-petits, dans la vis du journal, discussions sur la terrasse dont la vue sur Paris faisait ressentir l’émotion Rastignac d'un July certain de sa vision conquérante. Les journalistes (bon, leurs enfants ?) avaient fait des gâteaux au prix libre, chacun se faisait tirer le portrait par l’équipe de photographes, souriants, épuisés, attentifs à approcher la singularité de chaque visiteur. Et puis des tables rondes, avec l’exhortation répétée à ce que les visiteurs donnent leur avis, fassent critique, proposent. Et, un peu partout, faisant visiter, discutant à la volée, échangeant publiquement en table ronde, des journalistes de Libération parlaient, écoutaient leurs visiteurs, réfléchissaient à voix haute. On aurait pu s’attendre à des discours d’autorité : information, point de vue, appels à soutien mais de fait, nous avons participé à une interrogation partagée, avec un véritable plaisir de l’échange. Les journalistes étaient heureux de notre intérêt et de nos points de vue, et nous étions heureux d’être si véritablement considérés. Cette crise finale est l’excellent début de quelque chose. 
Qu’apprenons-nous ? Dans nos enseignements d’anthropologie des groupes contractuels, l’étude de cas d’un journal est

13 mars 2014

"Praise Helix", le culte collaboratif

Après 16 jours et 7 heures de jeu non-stop, la partie se termine par la victoire suprême du dresseur de Pokemons collaborativement manipulé. A cet instant, dans le tchat de commandes, les indications de commandes laissent soudainement place à des commentaires d’exultation : sur la capture d’écran saisie ici, 2 concernent l’approche politique (anarchie/démocratie), 4 saluent le puissant Pokemon évolué « Bird Jésus », plusieurs balancent des icon cœurs, et 1 rappelle ce qui est devenu le cri de ralliement de la communauté : « Praise the Helix fossil». Tout au long de la partie, le dresseur s’est trouvé de longs moments à sortir de son inventaire et méditer sur une ressource d’aucune utilité : le fossile Nautile, d’où naissance d’une nouvelle prière cultuelle :  le Praise Helix.

Les pokemons, infra-peuple accapareur 

Bon. Pokemon est l’univers de jeu qui a massivement détourné les enfants des années 90 du catéchisme des saints, des listes des rois de France, de la connaissance des dinosaures. Soudain chaque enfant devenait dépositaire d’un savoir borgésien de classes, d’attributs et de relations de pouvoir que seule sa génération maîtrisait, à coups d’échanges de cartes dans les cours de récréation et de gloses talmudiques sur les pouvoirs et attaques comparées des divers Pokemon. J’ai encore sur mon frigo la mention d’une fatwa égyptienne vouant les Pokemon et leur décadence à l’enfer et le Pape n’a pas été loin de produire une encyclique (attention, ici j’exagère). Ceci pour dire que les "vingtenaires", passés depuis au gaming, aux réseaux sociaux, au streaming, s’en souviennent comme de leur premier hamster virtuel. Twitch, un réputé site de streaming dédié à la visualisation publique de parties en cours ou sauvegardées, vient d’initier une expérience dépassant toute prévision sociologique et managériale. Cette petite madeleine reprend l’allure de la GameBoy, version basique et préhistorique, proposant un écran, de perspective 2D couleurs élémentaires, dans lequel il s’agissait alors de capturer et dresser les Pokemons dans une suite de combats qui prenait tout de même un paquet d’heures. 

L’idée Twitch 

Le site Twitch a tout simplement proposé de mettre en ligne une partie, non seulement visible par tous mais activable par tous les visiteurs à l’aide d’un tchat en parallèle de l’écran de jeu, tchat dont les lignes permettaient de générer les commandes de jeu. C’est tout simple, presque débile et cela a furieusement marché. Pendant 1 semaine, 80000 joueurs (on a parlé de 120000 joueurs) ont joué avec 1 manette générant 7 mouvements (Haut, Bas, Gauche, Droite, A, B, Start) pour parvenir à une suite de déplacements dans un labyrinthe. Le dresseur est parti dans tous les sens, est resté renfrogné dans des coins, a ouvert durant des heures les menus d’item, a longuement contemplé un fossile décoratif (d’où l’expression « Praise Helix ») mais a été finalement efficace. Cette quête aventureuse a placé le site Twitch en situation de lead sur les sites de streaming et de réseaux sociaux mais surtout a développé une expérience de jeu collaborative virtuelle réelle : virtuelle parce qu’à distance mais réelle parce que le Dresseur a finalement capturé tous les Pokemon et surpassé tous les autres Grands Maîtres. (bon, en 16 jours et 7 heures non-stop là où une partie individuelle dure en moyenne quelques jours). Mais ce, en partageant à dizaines de milliers la petite madeleine du roboratif robot. On peut assister à un accéléré de la partie ici :


Management collaboratif, société, aventures pokemons

La question managériale est : comment décider d’aller à gauche ou à droite, ou up ou down à 80000 ? Eh bien, le jeu a d’abord fonctionné en mode « anarchique » (appellation non canoniquement proudhonnienne mais qui désigne un mode aléatoire de décision) puis finalement, les 2 derniers jours, en mode « démocratique » (en fait, un mode de vote statistique).
Trois remarques autour de cette expérience surprise (succès créatif mais participation massive absolument pas anticipée par ses concepteurs) :
- Le ressort du jeu en ligne n’est pas de jouer solitairement mais bien publiquement et en interaction. Souvent d’ailleurs la pratique du jeu elle-même se partage, s’élabore, à plusieurs devant l’écran ou sur les forums. Ça communique et ça manage. (le problème éventuel de l’addiction est temporel, le jeu ne sépare pas du monde mais il cannibalise d’autres accès au monde plus nécessaires car intégrant la frustration existentielle)
- Le système-jeu est devenu une pop-mythologie, je la développe ailleurs comme relevant de la figure de l’ « Easy Gamer ». Cet univers est massif, sans limites, homéostatique, saturé de désirs, d’affects et d’élucidations projectives. Il constitue la nouvelle économie imaginaire et monétisée du loisir de réalisation.
- L’orientation de ces jeux n’est pas de renforcer solitairement le dialogue homme-machine mais d’intégrer sa dimension publique, humaine, expérientielle. Ce réel-là est encore humain. C’est peut-être une bonne nouvelle.
Exceptionnellement, ce post a bénéficié de la précieuse expertise de Hugo Denoun, géographe et surtout fast and furieux joueur explorateur.

7 mars 2014

Réseaux de femmes, une ressource fraîche et vitale de l’intelligence collective en entreprise

Quelles sont les conditions de réussite d’un réseau de femmes ? Quels en sont les thèmes porteurs ? Qu’est-ce qui marche et qu’est-ce qui ne marche pas ? Entraide et viabilité d’un réseau en temps de crise ? 
 Tels ont été quelques-uns des multiples thèmes abordés jeudi 6 mars dernier à l’accueillante maison ETP de la rue Cortambert à Paris, autour d’un délicieux buffet aimablement et plaisamment réalisé par un ingénieur TP qui se délasse aux fourneaux après ses journées de direction. 

Une communication managériale d’inspiration féminine ? 

Invité très minoritaire (10% d’hommes) à cette rencontre initiée par le Club ETP au Féminin (rappelez-vous que j’étais membre du jury des Trophées 2013 ETP au Féminin qui a lieu tous les 2 ans), j’y ai immédiatement apprécié l’organisation parfaite et fluide, les contenus précis mais également 3 spécificités de communication qui colorent ce que j’identifierais volontiers du style managérial féminin: 
1. partage de ressources, exposition personnelle (confidences, moments vécus), et non prétention à la perfection. L’attitude générale des oratrices était de partager, d’aider celles qui s’interrogeaient à passer à l’acte. L’éthique est altruiste : donner pour pouvoir recevoir éventuellement. Faire le pari du don. 
2. l’implication n’est pas abstraite mais s’enracine à chaque fois dans une histoire personnelle, une construction professionnelle qui progressivement a intégré la dimension Hommes/Femmes dans le management,
3. là où beaucoup d’hommes responsables bétonneraient en public sur le succès sans failles de leurs dispositifs, la plupart des participantes de cette table ronde ont inclus la présentation de « défaillances » dans leurs dispositifs : jamais gagnés abstraitement, toujours des processus en humilité. 

Que se passe-t-il entre femmes ? 

Les participantes témoignaient pour des réseaux de grands groupes (Bouygues Tel, Cercle des femmes de l’immobilier, Women Exchange PSA) mais aussi pour des réseaux associant de petites entreprises du BTP, par lesquels se peut rompre l’isolement des femmes managers de petites structures. Ces réseaux accueillent des participantes qui « donnent » : du temps, de la ressource (cotisations non symboliques), de la collaboration d’idées, de la mutualisation (info, entraide...). La démarche est systématiquement inclusive, elle recouvre de l’expertise autant que

21 février 2014

Léviathan, récit-tatouage, une manière de décrire

Une baleine blanche 

J’ai une infinie tendresse admirative pour Queequeg, le harponneur vaguement maori de l’équipage du Pequod, cette baleinière que le captaine Achab mène à la poursuite de Moby Dick la baleine blanche. Les tatouages qui lui couvrent le corps constituent son livre viatique. Au bout du monde, dans cette absolue communauté qui vogue au plus loin de Nantucket, ville baleinière de l'avide jeune Amérique. C'est que Queequeg n'est jamais perdu. A lui seul, il porte la mémoire et le sens des destins océaniques, à la différence de ses compagnons, bien isolés dans leur perdition solitaire. C'est un bateau du bout du monde et ce n'est pas un bateau, c'est une chasse et c'est plus qu'une poursuite, Achab est un tyran cinglé autant qu’un humain radical qui défie l'abîme. Dans la Bible cet abîme a nom Léviathan.

 Un film sombre

Le cycle du sang
C'est aujourd'hui le titre d'un film et c'est donc bien plus qu'un film sur la pêche. Parti évidemment de Nantucket, le navire dont Léviathan restitue la campagne de pêche, trace inexorablement nuit et jour son sillon prédateur. Le Sensory ethnography Lab (Université de Harvard) a disséminé, équipé le bateau, les marins, les filets, les mats, les cambuses de mini-caméras numériques de l'extrême sportif. Au terme de probables milliers d'heure de captures, Lucien Castaing Taylor et Verena Paravel, ont alors monté, sans dialogues, sans commentaires, sans images une sorte d'équivalent occidental aux tatouages de Queequeg. La répétition des manœuvres, les grincements de géhenne, la menace des machines, du vide, du roulis, des tonnes de poiscaille frétillante, de la découpe des chairs, tout, dans un désordre qui se résout en entreprise de pêche, y menace la compréhension, la singularité et les corps. Ce que tardivement on découvre des humains tient à quelques marmonnements au-dessus de l'abattage, cigarette au bec. La cigarette comme mesure résiliente d'un temps humain, miraculeusement consumée dans ces douches d'embruns et de sang. Entre deux fracas de remontée des filets, un plan fixe silencieux d'au moins cinq minutes (il y a une horloge au fond) montre un type affalé sur sa banquette, avec bière (et cigarette) qui fixe d'un œil de poisson ce qu'on finit par comprendre comme une télévision appareillée de sa mini-caméra, transmettant des images sérielles d'un monde irréel (le nôtre, la terre). Il dodeline jusqu'à s'endormir, séquence qui vaut les expérimentations warholiennes mais qui à ce moment de trépidation est une suspension humaniste : un corps qui, sans savoir pourquoi, tente de