5 juin 2015

“We are a many” et on y travaille ! Simulation de la COP 21


« On n’a pas dormi, pardonnez-nous si on s’évanouit au milieu du discours de clôture » annonce dimanche soir, le porte-parole de la simulation de la 21ème Conférence des Parties.
Ronan intervient avec la "présidente" de la Conférence sur la scène du Théâtre des Amandiers avec ses 208 homologues, étudiants français et étrangers des délégations, répartis en gradins sur la scène, tandis que leur font face, homothétiquement dans la salle, les gradins du public.
Sur un voile transparent est projetée une sphère en rotation, avec un fond musical à la "Star Wars".
Ironie des scénographies de la solennité et de l’énergie collaborative : il y a du lyrisme, il y a de l’Histoire et ce sont des histoires.

Le Théâtre comme Réel démocratique

Trois jours et nuits durant, du 29 au 31 mai,  le Théâtre des Amandiers de Nanterre a été le lieu d’une intense fièvre débattrice lors de l'évènement Paris Climat 2015 Make It Work porté par Sciences Po.
Au premier plan, les fanions tandis
que conversent Bruno Latour et Jan Zalasiewicz.
En préfiguration de la 21eme Conférence des Parties qui se tiendra en décembre à Paris (la COP 21), l’équipe pilotée par le sémillant Bruno Latour a exploré un nouveau dispositif de débat en invitant 208 étudiants du monde entier à se réunir dans le même format que la COP21.
La préparation, longue d’une année était identique, la composition des délégations étatiques à peu près du même ordre mais deux composantes notoires ont été introduites :
  • la présence d’entités, jugées parties prenantes des enjeux climatiques
  • l’interaction, la lisibilité des travaux avec le public, les artistes, les intervenants.
Pas de meilleur lieu que le Théâtre pour interroger et proposer une mise en scène du processus, pour faire apparaître ces entités telles l’Océan, la Barrière de Corail, et pour être le lieu où se noue la conscience politique. Si la tragédie est concomitante à la Cité Grecque, peut-être le Théâtre est-il aujourd'hui le lieu de l’agora où s’inventent, se débattent les formes contemporaines de la représentation, esthétique, philosophique et politique.
La possibilité d'un lac
A toute heure les participants de ce "Théâtre des négociations" pouvaient se retrouver dans la salle de relaxation ou mieux encore climatiquement, à la piscine recréée dans les ateliers décor du Théâtre et des bateaux pneumatiques, des bouées-Terre y incitaient à de nouvelles opportunités (Cédric Villani affirme dans son "Théorème vivant" que les conditions de la recherche fondamentale au sein des rencontres mathématiques internationales sont du café à toute heure, des promenades dans le parc et des tableaux noirs partout).

Déclaration reprise par "Coyote"
Les 41 délégations se sont retrouvées, dispatchées, éparpillées par thèmes, affinités électives, politiques et nationales puis regroupée. De la même manière que lors d'un tournage de film hollywoodien, les acteurs cow-boys ou indiens, nazis ou alliés, prisonniers ou gardiens se trouvent rester distants pendant les pauses du tournage, les représentants états-uniens durant ce Théâtre des Négociations se sont heurtés avec les représentants des Entités : jouer Monsanto c’est se retrouver dans la cohérence d’affronter les populations indigènes.


Le grand intérêt est double :  éthique des nouvelles ontologies, politique de l'écologie

Les entités Forêt ou Banquise comme existants
En écho aux réflexions sur les souverainetés ontologiques qui participent des territoires, il s'agit de donner voix, représentation, force opératoire politique à des entités qui, de fait sont impliquées dans les évolutions du climat et qui sont des « étants » du territoire au même titre de prétention qu’un gouvernement des humains. Si l’homme co-habite le monde, alors ces co-habitants ne constituent pas seulement un cadre mais un acteur.
Réinscrire l’écologie dans le politique
La planète ne réunit pas, elle divise, chaque entité ayant des coordonnées et des projections locales. Il n’y aura pas de gouvernement mondial autrement qu’affadi et la Nature ne gouvernera pas tant qu’il y aura des hommes. C’est donc dans l’espace politique des humains que le débat doit avancer. En ce sens l’horizon de l’écologie est spirituel mais également politique. De ce point de vue, cette simulation est plutôt un accélérateur de réalité : les discours tenus, les objectifs décrits, les dispositifs méthodologiques, tout y a été mis à plat. Symboliquement, les participants ont joué le jeu d’un aboutissement in extremis des dernières minutes mais ils ont laissé apparaître une scission profonde entre un groupe qui tenait à produire un texte « verrouillé », négocié à la virgule, sur le mode d’une authentique conférence diplomatique et un groupe qui tentait de dessiner l’irrésolu des enjeux, des cartographies, des projets.
La diffusion en temps réel des trouvailles, expressions par le fanzine Coyote, les visites qui rappellent aux congressistes l’attente et la vigilance d’un public, les conférences des géologues sur les marqueurs de l’Anthropocène ou d’anthropologues sur la reconnaissance d’entités ou sur la responsabilité désignée de grandes compagnies (oui, c’est l’humain qui est responsable mais on peut donner le n° de téléphone des présidents de quelques Compagnies), tout cela, dans ce théâtre produit de singuliers accents de vérité démocratiques.

On peut supposer que Ségolène Royal s’est tenue très avertie de ces travaux pour annoncer le lendemain matin de cette clôture que "tout était à revoir dans le dispositif de la COP 21".  

Lien du site : www.cop21makeitwork.com
Infos sur la COP21 : ici

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