3 décembre 2010

Web 2.0, le retour du contenu

Le web 2.0 est la nouvelle frontière de la communication mais aussi de l’énigme du lien. A ce titre les rencontres du réseau PSST, animé toujours avec élégance et vivacité par Jéremy Dumont, sont un moment privilégié de « repérage » de ce que peuvent ensemble les outils, les organisations, les marques et les découvreurs. Voici quelques réflexions inspirées par l’effervescente journée du 30.11.10 à la Bourse du Commerce, Paris.

Table ronde Brand Content 
Brand content, le retour du contenu

L’horizon est une interconnectivité inventive, conversationnelle et pertinente. Avec donc le grand retour du contenu. Exit le code, rebonjour le sens...
Les inspirateurs incontournables seront les « raconteurs », les rhétoriciens, les gens de conversation, d’où une revisitation nécessaire des traditions innovantes, ces espaces où une école se libérait, après avoir tout lu ou vécu, d’un dogme formel afin d’inventer le langage du jour.

Idem dans l’industrie : les analystes de la marque (vision panoramique de Daniel Bô - Institut QualiQuanti) réinscrivent enfin les blagues Carambar dans le patrimoine du brand content.
La gouvernance éditoriale reparcourt Aristote (avec la rigueur implacable et ironique de Muriel Vandermeulen - Agence WAW).
Le storytelling court après la fiction narrative et la mythographie.
Et bien sûr, l’avance esthétique et politique des grands artistes inspire toujours ce qu’est une véritable
pertinence.


Plasticité du web
Une seule différence avec ces traditions mais considérable : le web est « plastique ». Sa performance technique permet (virtuellement, car finalement encore sous-utilisée) une conversation publique autour de thèmes éditorialement organisés mais issus des contributions, influences et parti-pris. Un site web 2.0 se redessine constamment comme Google ou auFeminin.com (une très fine, humble et pertinente description du mouvement d’auFeminin.com par Ségolène Julian), l’appareil producteur étant finalement inspiré des orientations des visiteurs. Une sorte de boucle rétroactive (ou une belle monstrueuse vague de surf) dont l’éditeur serait le centre à la fois flottant et volontaire.

Métaphysique du lien

Ce sont de très anciennes questions que celles de la présence (ubiquité), de l’identité et de la communauté. Chaque époque les parcourt avec ses moyens techniques, sa culture et sa perspective de lien.
Disons le comme c’est : il s’agit de métaphysique, c’est-à-dire de ce à quoi s’adosse une identité humaine...

Or l’identité subjective d’un humain occidental moderne est aujourd’hui prise entre deux vertiges communicationnels :

1. une intériorité inépuisable (dont les neuro-sciences ne balbutient que les effets), celle du cerveau humain tel que modelé par une culture d’appartenance

2. Une extérorité proliférante, aussi neuronale, réticulaire, prégnante, affective, inconsciente que l’intérieure : celle de l’hyper-communication. De même que les échanges des bourses échappent pour 80% en temps et en volume aux acteurs humains, nous sommes confrontés à la communication sollicitante, ubiquiste et « marquée ou anonyme » du Grand Autre.

Quand nous ne faisons rien dans une gare (traduire « lire un roman » , « dévisager un inconnu réel », « contempler le ballet ferroviaire »), des messages, avec leurs tags, leurs IP et leur proximité incontestable, converseront avec nous, profilés, typés, désirés.

Comme s’en amusait un intervenant designer (Dominique Sciamma, du Strate College), « Dieu est mort au XIXeme siècle et le marketeur mourra bientôt à son tour ». Pour le marketeur c’est probable mais pour Dieu c’est approximatif car il revient par toutes ces questions. « Dieu était dans la tombe et regardait Cain » , un bon storytelling pour poser que l’homme est sommé de rester conscient, entendre en lui, même lorsqu’il est seul, ce qui ne se résoud pas en lui... Et cette idée de ce qui ne se résoud pas en lui seul, ne lui descend pas directement de « là-haut » mais lui parvient (spirituellement si ça « connecte », abandonné s’il est sans Grand Parler) par sa communauté d’appartenance, ses « amis », unfriends, followers, prescripteurs...
Prospective ?

Le design offre effectivement une approche d’intervention intéressante pour l’entreprise car il cherche littéralement à ce que le produit parle, dans sa nue présence, hors commentaire. Mais lorsque le design arpente le contexte, respecte les acteurs, interprète la technique et sense l’usage, il participe par sa transversalité d’une anthropologie du contemporain. Car c’est la grande question contemporaine, rendue cruciale par le télescopage des identités et l’indissociabilité nouvelle de l’homme et de la nature : par quels chemins transmettre de l’humain.

L’expérience

En somme, toute technique, même celle du web 2.0 est humaine. Elle opère exactement comme nous l’avons voulu mais ce sens ne se stabilise réellement qu’après-coup. Elle oppresse, lamine, émancipe et développe tout à la fois. A nous d’expériencer avec nos clients, de rechercher la pertinence d’une identité, le fondement d’une communauté, la langue d’une conversation. C’est déjà assez énorme sans qu’on ait besoin de prétendre tuer, réinventer Dieu qui fait ce qu’il peut avec son propre Verbe.

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