13 octobre 2025

Un simple accident.. Quand il ne reste que l'essentiel

Quand on t’a tout pris , qu’on t’a ratiboisé, enfermé, ramené au degré zéro de l’exister, il ne reste que tes souvenirs et tes croyances les plus réelles. Le film de Jafar Panahi est un formidable drame moral qui parcourt la tragédie, le dérisoire et l’ironie de la vie. 

 

.. et tout se complique

Un type salopard est repéré par hasard et violenté par d’anciens prisonniers iraniens qui ne l'ont pas oublié. La vengeance s’impose mais le doute s’insinue sur cette identité. Panahi rassemble quelques infortunés, assemblés par hasard mais qui font peuple, celui qui demande des comptes à la barbarie d’un régime. Pour chacun d'entre eux, tout s'arrête immédiatement dans leur vie car il s agit de juger un homme, probablement leur salopard. 

Cinématographiquement c’est construit avec la logique implacable d’un Hitchcock mais avec la présence populaire de toute la société Iranienne , à la manière d’un Iosselani ou d'un Kiariostami. La vie s’insinue par tous les côtés , le hors champ, le vacarme des rues et des rencontres de la rue. 

Révolution culturelle ou révolution islamique, ou capitaliste, pour qui a un cœur intelligent, la vie toujours continue. Le prodigieux c’est que ce film cherche et trouve la vérité. Elle est sa seule arme, sa seule croyance et que Pahanj s’en fait l’évangéliste , sans fard ni métaphores. Une expérience de philosophie morale qui débouche sur un constat d’humanité politique. 

Et le réalisateur, après avoir dit toute sa vérité , tirée du puits de l enfermement et des voix de ses compagnons de captivité, est retourné en Iran. 

Saint Navalny, protégez le ..

25 septembre 2025

Reconnaissance de l’État de Palestine, l'humanisme à la croisée des temps

 

Reconnaissance de l’État de Palestine, l'humanisme à la croisée des temps

Donc c'est fait, Emmanuel Macron, après avoir prévenu, averti et écouté les uns et les autres a franchi le pas : reconnaissance de l’État de Palestine.

Rien à ajouter à ce discours, tout y est : le moment historique comme issue à l'affrontement entre peuples voisins, les conditions (libération des otages, démantèlement du Hamas) pour concrétiser l'effectivité de la reconnaissance, la solidarité avec l’Israël atteint dans son être le 7 octobre.

Avec sa jolie houppette et un début qui sonnait comme un prêche, le lancement du discours a été très convenu mais peu à peu une affirmation réelle s'est faite entendre avec ses appels aux temps de la paix. Un discours humaniste, à la mesure d'un Jaurès, d'un Vaclav Havel, d'un Unamuno désavouant le fascisme franquiste. Cela devait être dit , à ce moment de l'énormité des désastres de la guerre et ce président, qui est reparti à pied dans les rues de New-York pour cause de cortège Trumpien le bloquant a dit tout ce qu'il fallait dire : la place des français juifs, l'alliance avec Israël, l'antisémitisme, les souffrances palestiniennes, la barbarie du Hamas, etc

Macron téléphonant à Trump depuis les rues bloquées de New-York


L'antisémitisme n'est jamais infondé : il se saisit de toutes formes, en chaque crise

L'antisémitisme est une maladie de l'esprit bien commode qui prend chaque fois sa logique dans des raisons « indiscutables ». Personne ne hait les juifs sans motif ni raison : « ce sont eux qui ont commencé ».

Soit parce qu'ils sont trop misérables, soit parce qu'ils sont trop riches, soit parce qu'ils sont bolcheviques, soit parce qu'ils sont capitalistes, trop artistes, trop médecins, trop écrivains, trop arriérés dans leurs superstitions, trop sionistes, trop internationalistes, trop présents en Israël, trop diasporétiques.. Une liste infinie des motifs chaque fois raisonnables de haïr, d'exclure, de boycotter les juifs perçus comme ceux qui résistent à l'unique du nationalisme, insistent sur le divers des appartenances, jouent en modernité des identités multiples et pour certains ressassent la même étude antique.


Free Palestine !

Elle l'était le 6 octobre. C'est librement que des unités du Hamas ont franchi la frontière et tué, massacré, violé tout ce qu'ils pouvaient des juifs. Un pogrom en terre d’Israël. Conçu, élaboré, documenté , avec retour victorieux en territoire palestinien et abject maintien des otages.

S'en est suivi une guerre, d'abord justifiée dans sa vengeance et ses objectifs militaires mais peu à peu s'étendant au peuple palestinien tout entier, en tant que palestinien. Ce n'est plus une guerre mais un massacre et une annihilation, avec des projets parfois obscènes de déportation ou d'épuration ethnique.


L'Humanisme comme petite chance

A ce stade de monstruosité cela devait être dit. Mais Jaurès a été assassiné, comme Yitzhak Rabin, Vaclav Havel n'a pu empêcher la dislocation de son pays, ni Zweig le saccage inexorable de son Monde d'hier, ni saint Navalny l'avènement du quatrième Reich.. La posture chrétienne envers les hommes de bonne volonté, l'humanisme éclairé par la raison et le dialogue restent-ils contemporains de la brutalisation actuelle du monde ?

Qui d'autre que les Israéliens pour aller chercher le Hamas ou le Hezbollah dans "leurs chiottes" ou dans leurs villas de luxe, sur le terrain ? Quelle ONU pour les désarmer (celle de Sarajevo ? Celle du Rwanda ? ..)  ? Le Fatah palestinien s'est fait dézinguer à Gaza par le Hamas..

La force brutale est aujourd'hui si opérante, en Ukraine, au Soudan, au Tibet, à Gaza, au Kurdistan qu'elle est une tentation évidente de résolution (apparente) des conflits. Il faut aller au bout d'une guerre pour en finir par la paix.

Donc il fallait que ce soit dit et acté ainsi dans l'enceinte des Nations Unies, avant que les Etats-Désunis, la Chine impériale reconstituée, l'Empire Stalino-tsariste et leurs disciples désinhibés ne fasse entrer le monde dans un nouvel âge obscur.

Quel système l'emportera ? Peu de chances pour l'humanisme et c'est justement pour cela qu'il fallait dire le moment.. En tant que petit-fils d'un ministre espagnol républicain , je crains que ce soit le système brutaliste qui l'emporte mais mon abuelo n'a pourtant jamais regretté ni abdiqué de ses choix et engagements.. L'honneur sauf..


La Croatie en été... Il y aura toujours quelqu'un pour assumer le Mal

On trouve toujours quelqu’un pour assumer le Mal (la Croatie en août)


Donc la Croatie au mois d’août. Files d'automobiles sur les autoroutes qui filent vers la mer et toutes ces belles choses de la Croatie. Plus de 1200 îles, Nicolas Tesla, l’invention de la cravate, etc. Sur la route on voit des maisons neuves. Beaucoup. Et aussi des maisons pas terminées. Dont l’isolation extérieure n’est pas posée. Maisons de brique qui attendent leur crépi. A côté de maisons abîmées. Et puis encore des maisons éventrées. Des toits ruinés. Comme si un météorite leur était tombé droit dessus. Et on comprend soudain que ce n’est pas une blague de Catelan (météorite sur le pape) mais un obus oui un obus tombé du ciel. Car il y a eu de la guerre ici. Beaucoup de guerre. L'entrée dans l'Europe a permis de financer beaucoup de reconstructions mais apparemment sans prendre en charge le crépi.

Comme elle est belle, la Croatie, ici dans le parc national de Plivitce


Avant l’Europe et son ouverture et sa paix par le commerce, la prospérité et les institutions.

Pendant la seconde guerre mondiale une république s’est proclamée ici qui par souci de nationalisme soutenu par le religieux s' est immédiatement alignée sur la doctrine nazie de pureté de la race , de la langue croate. Plusieurs camps de concentration avec mises à mort systématiquement sadiques. Ce qu’on présente souvent comme une milice oustachi , était en fait un gouvernement, une république, qui à accueilli Hitler comme un allié. Bases des Sous marin, massacres par le gouvernement de tout ce qu’ils pouvaient attraper de serbes (« on en tue un tiers, on en convertit un tiers et on expulse le dernier tiers « ), de juifs et de Roms dans la vingtaine de camps établis sur ce beau territoire. Certains dignitaires nazis qui visitaient ces camps se sont dit horrifiés par la sauvagerie du système. A la fin de la guerre, filière classique : on se rend en Autriche, exfiltration vers les monastères du Vatican , fuite vers le Chili puis l’Argentine et pour finir l’Espagne franquiste , sans jamais avoir regretté ou renié quoi que ce soit. Bien au contraire pour Ante Pavelic le président et, pour  les divers commandants de Jasonelek, un des plus grand camps de concentration d’Europe, tous se sont vantés de ne rien regretter. 

 Le retour du nationalisme

On se dit que cela a servi de leçon et que la Yougoslavie titiste a expurgé ces démons mais au moment de l’éclatement de la Yougoslavie en 1992 ça recommence. Il n’y a plus de juifs mais il y a des serbes et le gouvernement croate met en place une politique d’épuration ethnique. On se bat contre les armées serbes ou bosniaques mais surtout on rappelle les croates du monde entier (peu reviennent) et on vise les populations civiles. Massacres, bombardement de villages, etc. Ces maisons qui restent en l’état de leur ruine sont les caries visibles mais silencieuses sur toute la ligne de tension ethnique. Une politique d’épuration ethnique qui fait que vingt ans plus tard en 2011 le relevé démographique montre un accroissement des croates de 66% à 89 % concomitamment avec une diminution de la population serbe de 60%. Curieusement les Roms sont eux devenus un peu plus nombreux.

Ça s’est passé en Europe, au soleil et dans la neige des parcs nationaux et au bord des plages. Pas de pancartes, peu de mémoriels ailleurs qu’à Zagreb. En juillet de ce même été, Marko Perkovic, dit Thompson, a rassemblé à Zagreb un record international d'entrées payantes pour son concert, avec saluts et slogans oustachis entre deux chansons.

 

Le passé est devant nous

Ça se passe aujourd’hui en Ukraine, sur les populations civiles. Peut-être même en Palestine par les temps qui courent, ou dans l’avenir Trumpien. On trouve toujours des nazis pour faire le boulot du Mal lorsqu’il devient à l’ordre du jour.

 

9 mai 2025

Traverser le temps en Pape Puissance des rituels, défiances théologiques

Léon XIV nous apparaît donc en 267eme infaillibilité, par la grâce d'une réflexion cardinale sur celui d'entre eux (les cardinaux), qui serait visité par le Saint-Esprit..

L'infaillibilité managériale

Léon 14, dans la lignée de Léon 13, refondateur

D'un côté un rituel éprouvé et donc théâtralement respecté : couleurs des apparats, secret des délibérations, les téléphones modernes restant au coffre puis émanation d'une fumée dont la couleur atteste de l'avancée des débats. Car débat il y a , comme dans toute démocratie des consciences. Ce management de la spiritualité terrestre a d'ailleurs conféré une modernité inspiratrice au pape François dans ses admonestations à changer les attitudes et la gouvernance de l'église catholique.

Grace à ces nominations, prises en compte politiques, et interprétations de la souveraineté de la conscience (retrait du droit de vote à partir de 80 ans ! Et pourquoi pas retrait du permis?), couplées au strict respect du rituel, l'institution vaticane traverse les temps alors qu'elle ne peut espérer se perpétuer par la généalogie familiale (Bettencourt, Arnault, Rothschild, Michelin, etc..).

Nous avons donc ici une méditation managériale qui dirige, suppute, oriente, identifie, pressent l'accueil du Saint-Esprit : colombe (ou faucon crècerelle) et langues de feu.

A la manière d'une réincarnation de Dalaï-Lama dont il s'agit de voir comment un enfant pressenti reconnaît les attributs et objets du Rimpoche disparu.


Une incarnation chaque fois contemporaine

Science des signes qu'il s'agit d'accorder avec les temps. Car l'incarnation papale se produit chaque fois en des temps qu'il s'agit bien de repérer en synchronicité. Antique institution renaissant chaque fois au contemporain.


Le contemporain politique

Ici donc cette fois pour la foi : un Léon au carrefour des équilibres de l'Universel mondialisé. Né à Chicago, de père français, de mère italienne, carte d'identité péruvienne par ses missions d'évêque, responsable du dicastère romain, l'organe qui nomme les cardinaux. A la manière du bouddhisme tibétain, les Chinois, toujours très forts lorsqu'il s'agit de spritualité séculière tiennent à nommer leurs évêques comme ils tenteront de désigner la prochaine réincarnation du Dalaï-Lama.

Trump qui se rêve en soupape du monde

Un milliard six de fidèles suppose une habile prise en compte de ces équilibres. Ne pas oublier que c'est l'américain Cyrus Vance, born again carnivore, qui a vu en dernier le pape François. Donc juste retour des équilibres.

Le contemporain sociétal

Du point de vue sociétal, la question du genre secoue également l'édifice symbolique car si le catholicisme depuis saint Paul s'adresse à chaque un, il est donc tenu aujourd'hui de s'adresser et de s'ouvrir à chaque une.. avec ses conséquences d'ordination, de célébration, d'abus et de prise en compte du sexuel dans le duel des êtres.



La refondation théologique en toute logique

Mais le point le plus important n'est pas politique, n'est pas sociétal : il est théologique et il sera bien nécessaire de disposer d'un pape philosophe, logicien, augustinien qui parle de multiples langues. Ce ne sont pas seulement les téléphones mobiles qui menacent l'ésotérisme du management spirituel ; c'est toute la science qui menace le fondement doctrinaire.

Le petit homme vu depuis Hal 9000 avant son débranchage, mais la prochaine fois ?

Le transhumanisme, qui augmente les ressources humaines, accroit les perceptions, redresse les accidents génétiques, externalise les mémoires et profile la mise au monde artificielle menace et s'introduit en effet dans la théologie. L'homme a été créé à l'image de Dieu (pour cette raison, un prêtre manchot ou tatoué ne peut théoriquement pas célébrer la messe) mais si on recrée l'humain alors la figure et l'essence divine se transforme. Il y a place pour une nouvelle divinité qui emprunterait au plus paien des croyances anciennes.


De même, la révolution anthropologique de l'IA générative interroge, par l'immédiateté et la totalité de ses propositions, l'omniscience divine. Dieu voit tout, entend tout. L'IA fait de même et le manifeste, par ses conversations, ses paroles, ses images et ses musiques. Il y a des IA psychologues. On peut imaginer des IA officiant la messe, lançant des homélies et votant un prochain jour de conclave. Avant de se proposer en Intelligence des Causes et Destinations providentielles. « Your own personal Jesus » chantait Johnny Cash..

Je le lui avais dit : François, c'est peut-être le moment de passer le relais

 


24 avril 2025

Bennett Miller, ses fascinantes hallucinations encyclopédiques

 

Le nouveau monde dont nous sommes déportés

L’IA submerge ce que nous savions du monde. Elle nous rend étrangers au monde qui s’annonce, fait de duplications vertigineuses , de faux semblants, de rumeurs et d’amoncellements des savoirs connus et inconnus. Nous ne sommes pas nés pour ce monde, nous étions nés pour l’électricité, le téléphone et l’information planétaire et nous voilà co-existants avec des avatars d’avatars qui dupliquent le monde en chatoiements réverbérants.
Mais "pourquoi pas ?" puisque c’est là, produit par nos intelligences, jusqu’à ce que l’artificiel se duplique lui-même.
J’imaginais la rupture anthropologique par la génétique et la mise au monde artificielle et voilà qu’elle nous vient par cette duplicité nouvelle et séduisante.

 

Artistes rêveurs

Heureusement, avant la guerre, avant la pub, avant l'organisation efficiente du monde , quelques artistes rêvent avec l’Ia.

Laurent Briard est l'un de ceux-ci, présenté dans une chronique précédente et voici que Benett Miller , tout droit sorti du cinéma (Capote, Foxcatcher,..) nous propose ses images issues de ses conversations avec Dell-e (prononcer Dali). Lui écrit et Dali propose ses hallucinations et tourments.

C’est noir et c’est blanc et ça charrie l’histoire de la photographie puisque c’est issu des encyclopédiques datas  d’images.

Des sœurs de Sarah Bernhard peintes par Nadar s’y perdent dans des volutes de cigarillos. Tirages argentiques aussi matériellement authentiques ou véridiques, que les tendances photographiques du victorialisme anglais.

 
J'ai tout vu, tout connu -Paris, gloire et déchéance mêlées- et il m'en reste le plaisir d'un cigarillo ?


Volutes de l'étrangeté 

Souvent l’étrangeté provient d’une allure d’anciens enfants (morts depuis longtemps), c’est à dire d’êtres porteurs d’avenir au passé, saisis ou plutôt surpris dans l’immédiateté d’un accident : un coup de vent, la frayeur d’un monstre de foire, la chute d’un plongeon , etc. La puissance énigmatique du rêve, indescriptible, surgi par l’incident d’une mémoire, telle une association psychanalytique ramenée par la parole ou par l’image nocturne. 

Une enfant, immigrée, promesse d'actrice américaine, chevelure balayée par une brise soudaine ?

 

L’exposition est belle, avec son élégant portier humain de chez Gagosian. Tirages argentiques magnifiquement authentiques dans leur matérialité indéniable. Pas de titre (tous des "untitled" numérotés, c'est pourquoi je m'autorise quelques légendes (?)), pas de signature (ni humain, ni IA, ni fonds catalogué) pas de poinçon, à peine quelques prix confortables sur un catalogue réservé. Dans la foulée, une charmante conversation avec Benett Miller dans l'amphithéâtre d'honneur des Beaux-Arts. Pas homme de théories mais très honnête, humble et orgueilleux irréductible artisan d'images. 

Exposition : galerie Gagosian, rue de Ponthieu, Paris 8