23 décembre 2013

La valeur (éthique) d’une rémunération

Pour le plaisir de nos ouvertures sur l’éthique, voici une comparaison édifiante de l’année 2013 sur le rapport à la rémunération.
En 2013, Philippe Varin a quitté le groupe Peugeot en imaginant bénéficier de sa retraite « chapeau » de 21 millions d’euros (en fait 310 000 euros annuels pendant 25 ans, clause engagée à la signature de son contrat) sur fond de crise industrielle du groupe, entrée substantielle de partenaires chinois au capital, fermeture de l’usine d’Aulnay, après primes d’arrivée, stock-option et salaire effectif bien conséquent (et mérité, le temps de ses responsabilités). La même année, on apprend que Jose Mujica, Président d’un petit pays discret de l’Amérique du Sud renonce à 90% de son indemnité présidentielle (en le donnant à des programmes sociaux) avec un argument très simple : « je n’ai pas besoin de tant d’argent ». Il cultive son potager, cuisine avec sa femme et vit dans sa ferme, à faible distance du palais présidentiel de Montevideo. Cet abandon et cette manifestation d’un intérêt général supérieur déclenchent pour « Pepe Mujica », le président uruguayen attention et prises de positions. La notoriété de l’Uruguay s’est considérablement développée, avec les flux touristiques qui en découlent et l’intérêt pour les expériences qui s’y déroulent, l’une d’entre elles portant spectaculairement sur la légalisation de la marijuana, non pas pour des raisons hédonistes mais ici encore dans la perspective pragmatique d’en tarir les revenus illégaux générés par la prohibition, dérive financière qui met à bas de nombreux états sud-américains.
Récemment, l’artiste Martin Sastre a présenté une vidéo, explicitement publicitaire pour le parfum U (You, aussi bien qu’Uruguay), dans laquelle l’artiste cambriole une banque (la Banque centrale Uruguayenne a prêté ses locaux) dont le coffre-fort recèle un flacon de fragrance, trésor national. Ce parfum, codé par tous les attributs de l’ultra-luxe (valeur, exception, singularité, sensualité) a été produit par l’artiste à partir des fleurs qu’il a récoltées dans les champs du Président, qui apparaît, débonnaire en chapeau de paille, dans le clip. Le « concept » prévoyait que le flacon-œuvre soit vendu aux enchères à la Biennale de Venise 2013, 90% de la somme contribuant à financer la création du premier Fonds d’Art Contemporain Uruguayen. Effectivement, la vidéo a été vue 20 000 fois en 3 jours et le flacon vendu 50 000 dollars, ce qui en fait la fragrance la plus coûteuse et rentable de l’histoire de la parfumerie... Ainsi, la posture éthique et décroissante du Président a un impact, y compris économique, très considérable. Sans parler de l’impact politique de son éthique de gouvernance et dans le monde hispanophone. Essayez de citer le nom d’un prédécesseur de ce Président... Nos sociétés sont travaillées par la question de la valeur et du lien social. La décision de « Pepe » Mujica, qui ne visait à rien d’autre qu’une cohérence éthique de rupture tranquille avec le système classique du pouvoir, a une portée significative, en sens et en économie, en particulier auprès de jeunesses désidéologisées mais qui se préoccupent du tangible et du respect de soi et des autres. Philippe Varin a fort justement renoncé à ses indemnités. Il eut gagné bien plus encore à les repousser d’avance dans le contexte de sous-performance qu’il n’avait su empêcher. Manager, c’est incarner. Incarner, c’est vivre le prix de ses convictions et de la vision partagée. 2014 va nous passionner.

1 commentaire:

  1. un président Urugayen qui montre ce à quoi aspirent les jeunes générations et un artiste qui a le flair nécessaire pour une telle prouesse alliant com et business pour l'intérêt public.
    à quand l'exemple en France?
    2014 va nous passionner crescendo :) ...

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